Conforama : repartir de l’avant
L’édition 2023 de son salon interne Meuble & Déco, organisé début juin à Reims, nous a permis de faire le point, auprès de cet acteur majeur de la grande distribution ameublement, sur la stratégie adoptée au terme de cette période de « transition » qu’a été la crise sanitaire et son rachat par Lutz. Depuis, Conforama a rouvert quatre magasins, en plus d’avoir rénové celui de Chartres avec un lifting très abouti de son concept. Si, pour l’heure, l’objectif principal est toujours de « sécuriser le quotidien », l’enseigne se projette, et réaffirme son identité de discounter, en « démocratisant le style et le prix ». Explications avec Maï Fraissinet, directrice du pôle ameublement, Laurent Seifert, directeur commercial et Pierre Deyries, directeur communication / RSE.
« Ces cinq dernières années ont été très particulières pour Conforama. Aussi, nous ne pouvons que nous féliciter de proposer un tel événement aujourd’hui » confie, avec enthousiasme, Pierre Deyries, balayant du regard les stands des nombreux fournisseurs présents sur cette édition 2023 du salon interne Meuble & Déco de l’enseigne. Le directeur de la communication et de la RSE de Conforama évoque 6 800 m² investis au cœur du Parc des Expositions de Reims pour quatre journées, une trentaine de stands thématiques mis en place pour une présentation produits exhaustive (mobilier, rembourrés, literie, mais aussi fidélité / crédit et merchandising), 54 fournisseurs présents, le tout organisé pour 750 collaborateurs venus de toute la France, qu’ils soient directeurs régionaux ou de magasins, responsables de rayons, vendeurs et autres fonctions support…) Objectif : présenter à ce public, dans une ambiance conviviale, les nouveautés, les fabricants (récents comme anciens), la stratégie « Meuble » et sa déclinaison concrète dans les magasins, les nouveaux services offerts aux clients… Durant chaque session, les visiteurs sont tenus de passer en revue l’intégralité des stands, cela afin de favoriser les synergies entre familles de produits, une fois retournés dans leurs magasins. L’année dernière, ce salon Meuble & Déco avait été organisé à Bordeaux ; mais il semblerait que cette édition 2023 ait une teneur particulière, de par sa qualité et, surtout, parce qu’elle intervient dans un contexte où Conforama, reparti à 160 magasins après son rachat par l’Autrichien Lutz, a désormais entamé une démarche de réouvertures sur le territoire.
Consolider aujourd’hui, et anticiper demain
Souvenons-nous : il y a un peu plus d’un an, fin avril 2022, l’Autorité de la Concurrence permettait le rachat de Conforama France par Mobilux, structure commune à l’Autrichien Lutz et au fonds CD&R, et n’étant autre que la maison-mère de But. Une opération accordée sans engagement – malgré quelques grands risques identifiés en termes d’atteinte à la concurrence – notamment parce qu’il avait été estimé, par l’Autorité, que les difficultés auxquelles Conforama France était soumis entraîneraient sa « disparition rapide » en l’absence de reprise : un exemple d’application de « l’exception de l’entreprise défaillante ». L’enseigne, en effet, qui avait déjà été mise à mal par le scandale financier touchant son ancien propriétaire Steinhoff, a ensuite été touchée de plein fouet par les restrictions engendrées par la crise du Covid – la grande distribution ameublement a été le circuit le plus concerné par les fermetures imposées de magasins – et s’était retrouvée contrainte, par les banques, d’examiner d’autres options que l’obtention d’un PGE pour sortir de ces difficultés. La suite, nous la connaissons… Aujourd’hui, donc un an après l’officialisation du rachat par Lutz, il n’est plus question, si l’on en croit les dirigeants de l’enseigne, de fermer d’éventuels magasins résiduels qui auraient pu poser problème sur des zones où But et Conforama étaient tous les deux présents. Mieux : Confo, reparti aux alentours de 160 points de vente au moment de la reprise, en a inauguré quatre récemment, au Nord et à l’Est de la France (Louvroil, Morsbach, Châlons-sur-Saône et Vendenheim, dont les portes étaient fermées depuis les confinements). Ainsi, l’acteur de grande distribution maille aujourd’hui l’Hexagone avec 165 magasins, et vient de rouvrir celui de Chartres Barjouville après six mois de travaux qui lui ont permis d’optimiser, de manière très réussie, son concept d’exposition, centré autour d’un nouveau parcours et d’une présentation globale par pièce ; Angers devrait subir la même transformation, très bientôt. « Nous avons effectivement une vraie volonté de réinvestir dans « l’écrin » justifie Laurent Seifert, directeur commercial, rappelant toutefois que de tels projets, réclamant des moyens conséquents, doivent être planifiés dans le temps. L’enseigne, en effet, se trouve encore en période de convalescence, et Pierre Deyries ne s’en cache pas, avançant avec sagesse : « Nous sommes encore sur un chemin très étroit. Il s’agit avant tout de sécuriser le quotidien, d’assurer l’équilibre, ce que nous faisons cette année et ce que nous ferons encore très probablement, en 2024. Mais l’idée est aussi de se projeter ! Au terme de cette période, nous serons capables de donner encore un coup d’accélérateur ». Le réseau Conforama France est donc voué à s’étendre essentiellement avec de la franchise, à travers des formats de 1 000 – 1 500 m², « idéaux, à la fois, pour être accessibles aux candidats et proches des consommateurs » ; jusqu’alors, une dizaine de points de vente ont été ouverts avec ce type de contrat, la grande majorité étant en outre-mer : un doit notamment être inauguré très bientôt en Guyane. Concernant le reste des points de vente du réseau, affichant une surface moyenne de 3 000 m², lorsque l’on interroge le directeur de la communication sur la durabilité – parfois remise en doute, d’autant plus depuis la crise sanitaire – de tels formats sur la distribution de meubles, il répond : « Dans notre cas, cela ne pose aucun souci puisque ces Conforama sont installés sur des zones urbaines à fort trafic, et y jouent d’ailleurs souvent le rôle de locomotives ».
Si la taille du réseau actuel est donc jugée « satisfaisante » par les dirigeants, qui évoquent ainsi, tout de même, une voie de développement par la franchise, un autre axe est envisagé pour renforcer la présence de Conforama dans l’Hexagone : il s’agit, bien évidemment, de l’omnicanalité. L’enseigne, aujourd’hui, génère un peu moins de 15 % de son chiffre par l’e-commerce, les opportunités restent donc nombreuses en la matière.
Revendiquer le mass market… en apportant du style
Réinvestir dans ces écrins que sont les magasins a pour vocation première de mettre en valeur une offre produits judicieusement composée et reflétant l’identité de l’enseigne, et en cela, ce salon Meuble & Déco 2023 a permis de mesurer combien les efforts menés depuis plusieurs mois, sous la houlette de Maï Fraissinet, directrice du pôle ameublement, et Claire Roffet, responsable styles et tendances, ont porté leurs fruits. « Conforama a un ADN discount, résume la première. Nous revendiquons, plus-que-jamais, le mass market. Mais il s’agit de démocratiser non seulement le prix, mais aussi le style. Autrement dit, nous proposons une offre dans l’air du temps, mais accessible ». Dans cette optique, depuis un an, plus d’un tiers de l’assortiment, au global, a été renouvelé ; dans la famille particulière de la literie, par exemple, cette proportion atteint 65 %, voire 100 % pour les collections de certains fournisseurs ; le rembourré, également, se révèle particulièrement dynamique. Parallèlement, l’enseigne mène une stratégie de rationalisation de son offre – dans un souci de meilleure lisibilité en magasin, et donc aux yeux du consommateur – avec une moyenne de 15 % de réduction de l’assortiment sur toutes les familles de produits. Dans l’ensemble de ces démarches d’optimisation, quels ont été les bénéfices concrets apportés par l’intégration de Conforama – aux côtés de But – dans ce gigantesque groupe Lutz, avec toutes les synergies que l’opération promettait d’entraîner en matière d’achats ? Rappelons notamment qu’une centrale commune aux deux acteurs – baptisée GigaFrance – avait été créée à l’occasion du rapprochement… Pour mettre en évidence ces passerelles, Laurent Seifert utilise une métaphore éloquente : « En simplifiant les choses, on peut dire que Lutz est un peu comme un « grand buffet » mis à notre disposition, où nous pouvons aller nous servir. Nous pouvons y choisir nos partenaires industriels. Cette synergie a vraiment été enclenchée, assez vite, sur la partie produits, comme cela était prévu ». Et d’ajouter : « Il est intéressant de noter que Lutz a également pu profiter, à l’inverse, du même type de synergie pour les achats d’électroménager – sur lequel il était finalement assez peu présent – apportée par Conforama ».
Pour apporter du style, et ainsi proposer une offre dans l’air du temps, Conforama a d’abord misé sur l’identification de profils consommateurs (et donc de leurs critères d’achats) bien précis, s’entourant, dans cette tâche, de la très reconnue agence de conseil NellyRodi. Le résultat ? Un assortiment global réussi qui a désormais vocation à être présenté en magasin, comme évoqué plus haut, par univers de pièces, avec des implantations complètes intégrant mobilier, déco et même, pour le salon, des produits bruns. Une transversalité mise en avant sur les stands de ce salon interne, à commencer par celui – exposé en bonne place – consacré au partenariat Conforama X Bobochic : cette association inédite entre l’enseigne et la marque 100 % digitale de produits d’équipement de la maison permet de proposer aux clients de Conforama canapés, tapis et autres produits co-designés. Si, pour l’heure, le magasin de Chartres récemment rénové est le seul à intégrer un corner Bobochic, tout le réseau devrait l’imiter dès la rentrée… Ce partenariat obéit également à une autre ligne directrice importante de la stratégie d’offre de Conforama, à savoir la valorisation des produits par la marque. Sur ce point, l’enseigne a dévoilé une autre avancée lors de cet événement interne : le lancement officiel de « Lomoco », sa nouvelle marque exclusive signant mobilier et articles de décoration, forte de 120 références ainsi explicitement labellisées. Là encore, l’accent est porté sur la mise en ambiance et la globalité, avec un corner très complet qui sera d’ailleurs bientôt visible dans le magasin d’Angers. « Conforama avait déjà des marques propres en électroménager et en literie, c’est désormais chose faite pour le mobilier » avance Maï Fraissinet, qui veut toutefois garder le mystère sur la possibilité de voir, un jour, s’étoffer encore cet éventail de marques propres. A noter que cette stratégie de valorisation par la marque s’observe également, en toute logique, sur la partie literie, où les produits sont désormais présentés au consommateur non plus par confort (même si celui-ci est toujours valorisé sur des ILV pédagogiques) mais bel-et-bien par marques, qu’elles soient exclusives à Conforama ou nationales.
L’enjeu de la RSE
Autre enjeu stratégique de Conforama que celui de la RSE, qui doit être une préoccupation majeure, aux dires de Pierre Deyries, de chacun des métiers de l’entreprise : « Nous travaillons autour de trois problématiques, explique-t-il, que sont le réchauffement climatique, la responsabilité environnementale et les inégalités ». Pour chacune d’elles, des engagements et des objectifs sont en passe d’être finalisés. Un plan stratégique est défini jusqu’en 2030, dont les jalons seront concrètement posés dès la fin de l’exercice fiscal en cours (en septembre prochain). De multiples actions concrètes ont déjà été mises en place, à commencer par la réflexion sur la conception des produits : « Tous nos acheteurs vont avoir une formation sur l’éco-conception dispensée par le FCBA » précise le directeur de la communication / RSE. L’enseigne a également mis en place – elle se poursuit actuellement, jusqu’au 26 juin – l’opération ponctuelle « Confotroc » dans huit de ses magasins, qui vise à développer la pratique du réemploi et à favoriser l’économie circulaire, en permettant à des particuliers de donner une seconde vie à des meubles dont ils n’ont plus l’utilité… Cet enjeu de la seconde vie fait également l’objet de rayons dédiés en points de vente – accueillant exclusivement des produits issus de l’offre Conforama – à l’image de celui installé à Chartres, sur près de 40 m². A noter que, parallèlement, l’enseigne a noué un partenariat avec l’application Geev… Ainsi, cette thématique cruciale de la RSE est venue, elle aussi, enrichir les discours et échanges menés au cours de ce Salon Meuble & Déco 2023, qui portait résolument en lui, par sa qualité et sa richesse, toutes les promesses d’un « nouveau départ » pour l’enseigne.