[Nicolas Lévy, candidat à la reprise du groupe] « Ma motivation: ramener MDL à sa position de leader»
Fort d’un long parcours à la fois dans la distribution et la fabrication de literie, Nicolas Lévy, co-propriétaire et co-dirigeant du Lit National, se porte candidat, via la société « Nouveau Jour » constituée pour l’occasion, à la reprise d’actifs des sociétés du groupe Maison de la Literie (enseignes Maison de la Literie, Univers du Sommeil, Tousalon, Mobeco et Place de la Literie), incluant le site de fabrication situé à proximité d’Autun. Avec le concours d’un investisseur, il se fixe pour priorité immédiate, si son offre était retenue, de « faire revenir les clients en magasins », cela en consacrant de larges moyens à la communication pour réaffirmer la notoriété « incontestable » des enseignes. Par la suite, l’usine – une « incroyable richesse » du groupe – ferait l’objet, elle aussi, d’importants investissements pour la rationaliser, s’appuyant sur le savoir-faire des salariés. S’y ajoutera le travail de l’omnicanalité, la mise au point d’assortiments performants et innovants… Pour chacune de ces étapes cruciales, Nicolas Lévy insiste sur une notion jugée déterminante : celle du collectif, l’idée étant de systématiquement « proposer et faire valider au réseau ». Entretien.
Le Courrier : Nicolas Lévy, vous êtes à la tête du Lit National, et la profession se souvient notamment, avant cela, de ce que vous aviez pu réaliser à la tête de l’enseigne Mon Lit et Moi. Aujourd’hui, vous avez déposé une offre de reprise pour l’usine d’Autun et la partie distribution du groupe Maison de la Literie, respectivement placées en redressement judiciaire les 6 et 13 juillet dernier. Quelle légitimité particulière pensez-vous avoir parmi les 10 autres candidats ?
Nicolas Lévy : A 52 ans, mon parcours professionnel, très majoritairement opéré dans le monde de la literie me donne, je crois, cette légitimité. J’y ai commencé en étant directeur de l’enseigne Univers du Sommeil, à l’époque où elle était détenue par Jean-Pierre Koubi ; j’ai ensuite ouvert plusieurs magasins franchisés dans ce même réseau, transformés ensuite en Mon Lit et Moi, enseigne que j’ai créée en 2007 avec mon beau-frère Nicolas Beaufour, et qui avait fini par atteindre près de 20 unités… avant que nous la vendions à Conforama en 2017, qui avait alors des ambitions de se développer dans le secteur de la literie via une enseigne spécialiste. L’idée, pour nous – alors que nous continuions à la diriger – était d’offrir à Mon Lit et Moi les investissements dont elle avait besoin pour, effectivement, accélérer son expansion. Le scandale Steinhoff, ensuite, a contraint Conforama à se séparer de l’enseigne qui, souvenons-nous, a été rachetée par… le groupe Maison de la Literie. Nicolas Beaufour et moi-même, entre-temps, avions repris respectivement en 2016 et 2019 ces formidables entreprises que sont Le Lit National, puis Charles Paris [luminaires en bronze d’art, ndlr], deux manufactures d’excellence désormais installées sur un même site – au cœur de cet Est parisien à la longue tradition industrielle – et en pleine croissance.
Vous avez donc un parcours à la fois dans la fabrication et la distribution…
Tout-à-fait. Aujourd’hui, je porte personnellement ce projet de reprise pour MDL, fort de ces 3 décennies qui m’ont enseigné la distribution – via la franchise -, la fabrication, la gestion et le redressement d’entreprises ; passionné par « mes » métiers, je suis entrepreneur dans l’âme… Et même si, actuellement, j’opère davantage dans la fabrication et l’artisanat de luxe, je suis resté très proche de la distribution et du monde de la literie en général, observant le marché de très près, et accueillant avec une certaine tristesse les récentes péripéties vécues par MDL. Je suis ainsi profondément persuadé que cette vision à 360 degrés me permettrait d’agir rapidement, et concrètement, face à l’urgence de la situation, en sachant comment satisfaire non seulement les clients, mais aussi les salariés.
Tel un clin d’œil, l’offre que vous avez établie intègre Univers du Sommeil, mais également Mon Lit et Moi – demeurant uniquement à l’état de marque – puisque celle-ci avait donc été reprise par le groupe MDL à l’été 2020, deux noms avec lesquels vous avez donc une histoire particulière ! Pouvez-vous nous définir précisément le périmètre de cette offre ?
Je me porte candidat, avec le projet « Nouveau Jour », pour reprendre la branche distribution du groupe, réunissant les enseignes Maison de la Literie, Univers du Sommeil, Tousalon, Mobeco et Place de la Literie. S’y ajoutent le site industriel de Saint-Forgeot, près d’Autun, et ses 67 salariés. Enfin, sont également concernées les équipes opérationnelles de terrain de la centrale.
Etes-vous réellement « seul » pour porter ce projet d’envergure… et donc les moyens qu’il nécessite ?
Cette décision d’être candidat – qui n’a fait l’objet d’aucune hésitation – a été prise en concertation avec mes 3 associés, que sont Nicolas et Valérie Beaufour, et Bénédicte Lévy, parce que nous fonctionnons ainsi depuis toujours. Mais je porte personnellement ce projet, accompagné d’un investisseur spécialisé dans le redressement d’entreprises qui, notamment, a déjà eu l’occasion de remettre sur pieds un réseau de franchises positionné sur un tout autre secteur d’activité. Ainsi, l’offre que je présente est financièrement solide, au regard de ce que nous voulons réaliser pour MDL.
Justement, venons-en aux éléments très concrets : que commenceriez-vous par faire, immédiatement, si votre offre venait à être retenue ?
L’idée générale est de ramener MDL sur sa position de leader : telle est ma motivation principale. Lorsque je parle de « MDL », je veux évoquer le groupe : si l’enseigne Maison de la Literie a une notoriété incontestable, la richesse de l’entreprise, au sens large du terme, est fabuleuse, et tous ses franchisés, qu’ils appartiennent à quelque enseigne du groupe, sont passionnés et ont une énorme connaissance de leur métier. Cela est inestimable ! Le site industriel n’est pas en reste, affichant une capacité extraordinaire à servir les magasins, là encore grâce à des ouvriers qui ont envie, qui savent faire de beaux produits. Ceci posé, il est évident que, au vu des nombreuses turbulences vécues récemment par le groupe, il y a aujourd’hui, comme je le disais précédemment, une véritable urgence, qui réclame un plan d’actions efficace et un redressement immédiat. Autrement dit, dans le mois qui suit la reprise, l’usine doit être capable d’approvisionner de nouveau les magasins, afin que ceux-ci puissent livrer leurs clients en souffrance, renouveler les expositions… et soient capables de préparer les soldes de janvier. C’est d’ailleurs pour cela que la fin de l’année doit être consacrée à la préparation de cette échéance majeure. Et plus généralement, le site de fabrication a besoin d’investissements importants, afin d’en optimiser le process, avec par exemple la mise en place d’un ERP efficient : ceci fait également partie de mon plan d’actions. Autre enjeu d’urgence : celui de la communication. Nous devons revenir aux fondamentaux qui ont fait le succès de Maison de la Literie, car c’est une marque magique ; le consommateur doit se dire : « Si je veux bien dormir, je dois aller chez Maison de la Literie ». Et parallèlement, d’un point de vue plus pragmatique, il faut faire revenir, le plus vite possible, ce consommateur dans les magasins du réseau – ceci va de pair avec le redémarrage de l’approvisionnement évoqué en premier lieu – et réinstaurer la confiance dans la relation qu’il peut avoir vis-à-vis des marques du groupe. Ainsi, concrètement, si l’offre de Nouveau Jour était retenue, il y aurait un réinvestissement immédiat et massif en communication, laquelle serait centrée sur les bénéfices clients et l’innovation. En outre, puisque j’évoque la « confiance », je mettrai un point d’honneur à réinstaller une telle relation avec les franchisés, et j’évoquerai d’ailleurs ce point à part car il est crucial.
Quel serait le montant de ce premier investissement d’urgence ?
Pour la communication et le site industriel, un million d’euros sera débloqué immédiatement. Notons que, concernant la publicité par exemple, les investissements prévus seront très supérieurs à ce qui a pu être fait ces dernières années chez MDL… Ce déblocage immédiat ne rendant pas nécessaire, toutefois, d’augmentation de la redevance demandée aux franchisés : il est important de le préciser.
Et ensuite, sur quels grands axes de travail votre projet repose-t-il ?
Un autre volet majeur est celui du digital, sur lequel MDL n’est vraiment pas assez présent. Les marques doivent impérativement être omnicanales, proposer des sites internet fondés sur l’expérience client, configurés dans un objectif de web to store, etc. Il doit y avoir une partie de vente en ligne, dont la marge opérationnelle serait distribuée aux franchisés. Il faut également exploiter, de manière optimale, le retargeting, les solutions que nous offre Google pour être davantage visible… Insistons, également, sur l’innovation produits : là encore, ma vision globale du métier m’est d’une grande aide pour appréhender les besoins et la valeur ajoutée dont les consommateurs ont besoin. Chez MDL, la fabrication intégrée est bien évidemment une force, mais l’association avec d’autres fournisseurs peut venir parfaire l’assortiment, qui dans tous les cas doit être basé, avant tout, sur la performance. Tous ces points permettront de développer la satisfaction client, donc le chiffre d’affaires des réseaux, et donc… la rentabilité. Cela est, à mes yeux, une gestion de bon sens.
Venons-en à un autre aspect essentiel de votre stratégie : la confiance que vous souhaitez réinstaller avec les adhérents, et donc l’importance du « collectif ». Quelle est votre vision des choses ?
C’est effectivement un fondement du projet Nouveau Jour, qui a pour ambition de reconstruire MDL via toutes les mesures que nous avons pu évoquer jusqu’alors… mais en totale collaboration avec les franchisés. Autrement dit, la reconstruction sera participative. Cela, tout simplement, parce que si je n’ai pas l’engagement des réseaux, cela ne fonctionnera pas ! C’est un aspect que, là encore, j’ai pu appréhender lorsque je dirigeais l’enseigne Univers du Sommeil : si l’on veut qu’un plan stratégique porte ses fruits, il faut être proche des franchisés. Car eux vont tous les jours dans leurs magasins et les gèrent, apportant ainsi leur pierre à l’édifice du réseau… et cela, il faut entièrement, et sincèrement, le respecter. Autrement dit, il faut construire ensemble, via des commissions de travail, etc. Et chacun doit être informé des résultats. Prenons l’exemple concret des investissements publicitaires : il sera rendu des comptes aux franchisés pour chaque euro collecté auprès d’eux, et réutilisé ensuite.
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Comment va être traitée chacune des enseignes du groupe ?
Comme je le disais précédemment, je parle de « MDL », entendant par-là toutes les enseignes qui y sont intégrées et se déployant, au total, à travers 250 points de vente. Autrement dit, mon projet concerne à la fois Maison de la Literie, Univers du Sommeil, Tousalon et Place de la Literie. Tous ces réseaux sont une grande richesse, composées de magasins spécialistes… qui sont des magasins de destination : le consommateur franchissant leurs portes a réellement besoin de s’équiper. Ainsi, chacune de ces enseignes, et leurs identités respectives, seront considérées avec une grande attention, en prenant en compte toutes leurs spécificités.
Quid des succursales ?
Les magasins en propre sont importants, mais j’estime que 30, c’est trop. En conséquence, il y a un vrai chantier sur cette question. Evidemment, nous devrons nous concentrer sur ceux qui sont rentables. Sur ce point, je crois que, là encore, mon expérience professionnelle peut grandement me servir : mes missions passées au sein d’Univers du Sommeil et de Mon Lit et Moi en région parisienne m’ont appris non seulement à exploiter des magasins, mais m’ont aussi imprégné de ce marché très particulier qu’est celui de l’Ile-de-France… où est implantée la quasi-totalité des succursales MDL.
Concluons sur le calendrier de la procédure : quelle est la prochaine échéance ?
Le projet de reprise devra être expliqué au tribunal le 5 octobre prochain ; la décision finale de la justice devrait être prise les jours suivants.