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24.3.2023

[Observatoire Cetelem 2023] Du low cost contraint au low cost malin

Si le low cost a fait un véritable « carton » dans le transport aérien en 20 ans – passant de 5,4 % en 2001 à 44,5 % de part de marché en 2020 soit une multiplication par 8 – rien ne dit qu’il en sera de même dans d’autres secteurs des biens de consommation comme l’ameublement ou l’électroménager. Cependant, sous l’effet de la conjoncture inflationniste, le low cost gagne du terrain dans toutes les familles de produits, et il ne correspond plus seulement à un achat contraint pour les budgets les plus modestes, mais aussi à un choix malin de la part des consommateurs aisés.

A l’heure où on parle de plus en plus de l’inflation et de ses conséquences sur le pouvoir d’achat, l’Observatoire Cetelem de la consommation a, logiquement, concentré sa grande étude 2023 sur le thème du low cost*. Même si on ne parle pas encore de crise, le contexte économique se dégrade pour le consommateur européen : selon l’Observatoire, près de 2/3 d’entre eux (64 %) déclarent avoir renoncé à des dépenses au cours des 12 derniers mois, et pour 4 ménages sur 10 (39 %), ces dépenses concernent des achats liés à la vie courante ou au carburant. Un contexte qui donne un nouveau statut au low cost, puisque dans ses grandes lignes, il correspond à des produits ou services simplifiés, réduits à leur fonction essentielle, afin de réduire les coûts de fabrication et distribution pour les proposer moins cher au client final (pour être qualifié de low cost, un produit doit être au moins 25 % moins cher comparé à la distribution traditionnelle). Dans quelle mesure est-il déjà ou peut-il être une solution, pour quelles familles de produits, et quels profils de consommateurs ? Telles sont les questions auxquelles cet Observatoire apporte un ensemble de réponses.

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Un phénomène bien connu et plutôt bien perçu

Premier constat de l’étude, le low cost, qui existe depuis de longues années, est aujourd’hui bien connu par les consommateurs européens, puisqu’ils sont 9 sur 10 à en avoir entendu parler, et 55 % à savoir précisément de quoi il s’agit. Si certains pays sont devenus des « experts » – 80 % des Italiens, 81 % des Portugais et 82 % des espagnols sont bien au fait – d’autres sont à la traîne, notamment en Europe de l’Est, puisque 38 % des Tchèques, 28 % des Slovaques et seulement 21 % des Polonais savent précisément de quoi il en retourne, tandis que les Allemands (40 %), les Britanniques (47 %), et les Français (63 %) se situent en milieu de peloton. Peut-on dire qu’il s’agit d’un type de commerce développé ? Oui, pour 6 Européens sur 10 (70 % des Français), mais seulement 11 % d’entre eux estime qu’il est « très développé », ce qui laisse encore une importante marge de progression. Quant à son image, elle peut être qualifiée de correcte, puisqu’il obtient une note moyenne de 6,5 sur 10. En résumé, l’étude estime donc « qu’il n’est ni rejeté, ni plébiscité », et qu’il « peut mieux faire ».

En effet, quand on soumet aux consommateurs plusieurs critères de jugement pour le low cost, leurs avis sont généralement équilibrés : par exemple, 53 % pensent que les enseignes concernées rémunèrent correctement les fournisseurs et collaborateurs et se développent en respectant l’environnement, contre 47 % qui pensent le contraire ; 55 % sont en phase avec les valeurs de ces enseignes, contre 45 % qui ne le sont pas, etc. Quant aux secteurs où le low cost est le plus développé, c’est l’habillement et le textile qui arrivent en tête (66 % le jugent « très développé » ou « plutôt développé »), suivi des enseignes alimentaires (62 %), du transport aérien (58 %) et de la téléphonie mobile (53 %). L’ameublement et l’électroménager arrivent ensuite à égalité avec 51 % de consommateurs qui les jugent « très développé » ou « plutôt développé » dans ces secteurs. Trois enseignes sortent clairement du lot, au niveau européen, quand on parle de low cost : Lidl (cité par 16 % des consommateurs), suivi de Ryanair (14 %) et Aldi (11 %). Dans le domaine du meuble, Ikea est presque toujours cité, et selon les pays Action (Italie, Pologne), Gifi (Italie), Guntree et Hema (Royaume-Uni).

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Un low cost « décomplexé »

Sans surprise, c’est bien le prix qui est le critère majoritaire dans le choix d’un produit, pour le consommateur européen, à 61 %, contre 39 % qui placent en premier le critère de la qualité. Logiquement, le critère du prix est même plus prépondérant pour les consommateurs aux revenus modestes (70 %), par rapport à ceux qui ont des revenus élevés (51 %). Les Français dans leur ensemble accordent une importance presque équivalente au prix et à la qualité (respectivement 52 et 55 %). À noter, le critère de la qualité est d’autant plus prépondérant que le produit est appelé à durer : il est peu important pour l’énergie, mais pèse beaucoup pour l’électroménager ou le numérique. Dans l’ameublement, la qualité est le premier critère de choix (45 %), devant le prix (40 %) et la marque ou l’enseigne (15 %). Dans ce contexte, le low cost apparaît comme une solution pour consommer plus, pour 77 % des Européens, et arrive en troisième position après l’achat de produits de hard discount (82 %), et le fait de diminuer les dépenses les moins prioritaires (86 %). Cette solution devance d’autres comme l’achat sur Internet (71 %), la diminution de l’épargne (66 %), l’achat d’occasion (63 %), le fait de travailler plus (59 %) ou le recours au crédit qui ferme la marche (31 %).

Mais le low cost n’est pas attractif uniquement par le prix : pour 26 % des interviewés qui en consomment, il permet de dépenser moins pour pouvoir acheter autre chose, et pour 25 % d’entre eux, il permet de profiter d’un bon rapport qualité-prix. Il est aussi une obligation pour 16 % des consommateurs, qui n’ont pas le choix faute de moyens financiers. Pour toutes ces raisons, ce sont 54 % des consommateurs qui déclarent consommer régulièrement des produits low cost, avec des différences selon les pays pris individuellement, mais pas de découpage clair en fonction des différents ensembles européens : il y a en effet des pays champions – 74 % des Hongrois déclarent qu’ils en consomment, 65 % des Portugais, 63 % des Espagnols, 62 % des Britanniques – et des pays moins adeptes, parmi lesquels se trouve la France (41 % de consommateurs réguliers de low cost), la Slovaquie (39 %), et la République Tchèque (33 %). Mais surtout, cet Observatoire montre que tout le monde aujourd’hui consomme du low cost, soit 56 % des consommateurs à revenus modestes, et 53 % de ceux qui ont des revenus élevés. On constate néanmoins une différence : en Europe de l’Ouest, les revenus faibles affirment consommer davantage low cost que les catégories aisées (59 % contre 53 %) tandis qu’à l’Est, les personnes aux revenus élevés indiquent davantage que les autres avoir adopté le low cost (54 % contre 46 %). Il en résulte que consommer low cost n’est plus un signe de déclassement puisque les trois quarts des Européens (74 %) estiment que ce n’est pas dévalorisant d’acheter des produits low cost, un sentiment qui reste plus largement exprimé par les personnes aux revenus faibles (30 %) que celles aux revenus élevés (22 %). À une courte majorité (55 %), consommer low cost est aussi un choix « malin » plus qu’une contrainte, une évidence qui est nettement plus marquée chez les ménages aisés (64 %) que chez les plus modestes (47 %). C’est en Suède (64 %), en France (59 %), en Espagne (59 %) et au Portugal (59 %) que la consommation low cost choisie est la plus répandue.

Le low cost a de beaux jours devant lui

Des éléments précédents, on peut déduire que le low cost est aujourd’hui parfaitement intégré à l’univers de la consommation en Europe, et qu’il a su conquérir une clientèle qui va au-delà des ménages modestes, ce qui était déjà le cas depuis longtemps pour le modèle du genre, le transport aérien. Mais qu’en sera-t-il demain ? Troisième grand volet de cet Observatoire concerne les perspectives qui s’ouvrent au low cost, et si on en croit les réponses des consommateurs européens, celles-ci sont plutôt prometteuses. Depuis un an en effet, cette tendance a le vent en poupe : près de 4 Européens sur 10 (39 %) indiquent avoir accru leur consommation en produits low cost, tandis que 45 % l’ont maintenu à niveau, et seulement 16 % l’ont diminuée. C’est dans l’achat de produits alimentaires que la progression constatée sur un an est la plus forte avec 41 % des consommateurs low cost déclarant avoir intensifié leurs dépenses dans ce secteur (les parts de marché des enseignes alimentaires low cost ont fait un bon de 21 % à 26 % entre 2014 et 2022, tandis que le low cost aérien a été multiplié par 8 en 20 ans, passant de 5,4 % de parts de marché en 2001 à 44,5 % en 2020). L’alimentaire est suivi des vêtements (+ 34 % d’achats low cost). Les meubles et objets de décoration pour la maison arrivent derrière, avec davantage d’achats low cost envisagés dans ce secteur pour 23 % des consommateurs, une quantité égale pour 54 % d’entre eux, et moins d’achats low cost pour une minorité de 23 % d’entre eux. Une appétence supplémentaire dans le meuble à ce qu’elle est dans la téléphonie (+ 22 % d’achats low cost envisagés), les billets d’avion (+ 22 %), ou les outils numériques comme ordinateurs ou smartphones (+ 20 %).

Dans un avenir proche, les perspectives de développement s’annoncent également positives : un tiers des consommateurs (34 %) souhaitent maintenir leurs achats low cost au niveau actuel, et 43 % sont même décidés à les accroître. Logiquement, les Européens lient principalement le développement du marché du low cost à un contexte de tension sur le pouvoir d’achat : pour plus d’un consommateur sur deux, (51 %) le développement du low cost sera d’autant plus soutenu que les tensions sur le pouvoir d’achat seront fortes. Un argument particulièrement exprimé en Hongrie (63 %), en Autriche (60 %) et en France (54 %). Pour un tiers des Européens (33 %) ce développement reflète aussi le refus des consommateurs de payer « plein pot » des produits dont le prix ne leur paraîtrait pas justifié. Il n’est donc pas étonnant que près de 7 Européens sur 10 (67 %) fassent confiance aux enseignes low cost pour défendre leur pouvoir d’achat.

*L’Observatoire Cetelem est une structure d’études et de veille économique de BNP Paribas Personal Finance, créée en 1985 et dirigée par Flavien Neuvy. Sa vocation est d’observer, éclairer et décrypter l’évolution des modes de consommation en France et à l’international. Pour répondre à cette exigence, l’Observatoire Cetelem réalise deux études de référence grand public annuelles menées au niveau international, l’une sur l’automobile à l’échelle mondiale (18 pays), l’autre sur la consommation au niveau européen (15 pays), dont l’édition 2023 porte sur le low cost, dont il est question ici. Cette étude quantitative a été réalisée par l’institut Harris Interactive du 3 au 16 novembre 2022, qui a interrogé un total de 14200 personnes âgées de 18 à 75 ans issues d’échantillons nationaux représentatifs de chaque pays dans 15 pays d’Europe : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Espagne, France, Hongrie, Italie, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie et Suède. 3 000 interviews ont été réalisées en France et 800 dans chacun des autres pays.

[F. S.]

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