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6.11.2021

[Grand Forum Agencement & Contract] Les nouveaux défis des agenceurs

Former le chargé d’affaires de demain, mettre en œuvre plus de modularité et de polyvalence, anticiper les attentes du marché, intégrer l’économie circulaire… Les nombreux thèmes abordés lors du Forum Agencement & Contract, organisé les 19 et 20 octobre par l’Ameublement français, montrent que la crise de la Covid-19 est un accélérateur de changement auquel les agenceurs doivent aujourd’hui s’adapter.

« Réfléchir ensemble à l’après crise 2022-2024 » : tel était le mode d’ordre du Grand Forum  Agencement & Contract 2021, qui a été organisé sous la houlette de Philippe Jarniat, responsable de marchés à l’Ameublement français. « Nous avons besoin de personnalisation, de sur-mesure, d’adaptation, des trains vont partir et il nous faudra monter dedans. Nous avons deux jours pour réfléchir ensemble et mettre en place collectivement des actions que nous ne pourrions faire seuls », a déclaré Philippe Denavit, le président du Groupement Agencement et Contract en introduction. De ce fait, ce premier rendez-vous physique pour les agenceurs depuis la crise de la Covid-19 – qui se déroulait aussi pour la première fois en ligne – a été résolument tourné vers demain.

Former le chargé d’affaires de demain

Pour pouvoir relever les défis de demain, les agenceurs doivent, avant toute chose, pouvoir recruter les compétences dont ils auront besoin, ce qui ne va pas de soi. C’est donc logiquement que la première table ronde de la journée a parlé de ressources humaines, et que ses participants ont confirmé notamment la difficulté à recruter un parfait chargé d’affaires. « Ce profil n’existe plus, ce que nous avons aujourd’hui ce sont des chargés de projets, capables de piloter le projet de A à Z, y compris au plan commercial, pour donner satisfaction au client », a expliqué Max Flageollet, directeur de Ligne Roset Hôtels & Contract. « Pendant longtemps, nous avons eu des chargés d’affaires qui maîtrisaient surtout les règles de l’art avec une formation atelier, maintenant, il faut qu’ils puissent voyager, parler anglais, et échanger avec des donneurs d’ordre à l’international », ajoute Philippe Denavit, également dirigeant du groupe Malvaux, l’un des premiers agenceurs français . Quoi qu’on en dise, chacun s’accorde sur le fait qu’il s’agit d’un nouveau profil, qui doit réunir des compétences multiples. « Le chargé d’affaires ou chargé de projet reste un profil technique, qui doit garantir la livraison d’un bâtiment et d’aménagements qui fonctionnent et sont conformes au cahier des charges », précise Thomas Garmier, maître d’ouvrage et directeur général de The Great Hospitality.

Plusieurs agenceurs présents dans la salle ont aussi confirmé leur difficulté à dénicher ce type de profil, qu’on ne peut obtenir qu’en faisant évoluer un technicien vers les fonctions de gestion de projet. Voilà pourquoi la solution, salutaire pour l’ensemble de la profession, pourrait venir de la création d’une formation dédiée : « Nous sommes prêts à mettre en place un master de chargé d’affaires, un niveau bac + 5 qui rende apte à fournir un conseil, choisir le mobilier, et piloter les aménagements dans le respect du budget alloué », a déclaré Arnaud Godevin, directeur général de l’École Supérieure du Bois de Nantes. Il a conclu en invitant les agenceurs à manifester leur intérêt pour une telle formation, et à faire remonter leurs attentes, pour que l’école puisse bâtir un référentiel, avec pour objectif de recruter une première promotion à la rentrée 2022.

CO-HOME, un laboratoire virtuel pour l’agencement

Dans le contexte post-Covid 19 qui s’annonce, profondément marqué par bientôt deux ans de bouleversements dans la façon d’utiliser les espaces aussi bien professionnels que domestiques, les agenceurs devront aussi comprendre dans quel sens ils doivent orienter leurs propositions d’aménagement. Ils peuvent être accompagnés, voire inspirés sur ce chemin par les équipementiers, qui concentrent une bonne partie de l’innovation dans les espaces de vie. C’est ce que montre le projet CO-HOME, un véritable laboratoire de l’agencement, qui a été commandé par le Groupement des Équipementiers de l’Ameublement français à l’agence d’architecture Label Expérience. Pour élaborer ce démonstrateur, l’agence est partie des solutions proposées par les équipementiers pour élaborer un scénario et un espace de co-living multifonctionnel. « Nous avons imaginé un scénario qui est dans l’air du temps, la transformation d’un hôtel en un espace de co-living comportant des appartements de différentes surfaces, et surtout un lobby de 150 m² consacré à la co-activité, où peuvent s’exprimer les 12 équipementiers partie prenante », explique Stéphanie Chaumier, architecte d’intérieur chez Label Expérience.

Cet espace, inspiré du mode de vie d’un quartier parisien branché – Belleville – en reprend les codes : l’atelier de l’artisan est transformé en espace de coworking, la guinguette est transformée en cuisine et salle à manger, le square devient un salon avec terrasse et plantes vertes… « Chacun de ces espaces permet aux habitants de ce lieu d’avoir différentes activités, travailler, se restaurer, se détendre, partager des jeux, mais aussi faire sa lessive… ajoute Delhia Jollivet, co-créatrice du projet. Dans chacun d’eux, les équipementiers déploient leurs solutions. » C’est ainsi que les ferrures ergonomiques de Blum permettent d’optimiser l’espace en cuisine, que les vérins de Linak permettent de régler en hauteur la table d’hôte, et que les éléments de connectique de SFL, prises et luminaires, alimentent en énergie les murs et plans de travail. Autres exemples, les panneaux à faible teneur en formaldéhydes de Pfleiderer participent à la qualité de l’air intérieur, tandis que les façades et rideaux en polymères de Rehau permettent de clore placards er armoires sans perte de place. « Toutes ces solutions ont pour but d’inspirer les agenceurs pour leur permettre de rationaliser des surfaces de plus en plus petites, et de donner de la valeur ajoutée aux parties communes », commente Christophe Chenu, Président du groupement des Équipementiers de l’Ameublement français. Le projet CO-HOME fait l’objet d’un partenariat avec le salon Eurobois de Lyon, et sera présenté sous forme de modèle réduit lors de la prochaine édition en février 2022.

Vers une hybridation des actifs immobiliers

Quelles seront les conséquences de la crise de la Covid-19 sur les marchés immobiliers, et sur l’activité des agenceurs ? Pour répondre à cette question, le forum a donné la parole à Pierre Haesebrouck, dirigeant du groupe Hasap, l’un des leaders de l’agencement en France, qui a mis en avant les conséquences de la crise sur les espaces de travail : « Le recours au télétravail fait que les entreprises ont besoin de bureaux moins grands et repensés, a-t-il expliqué. Le marché de l’immobilier tertiaire s’oriente donc vers du flex office (bureaux partagés), et de plus en plus d’espaces collaboratifs où on retrouvera les codes de l’hôtellerie, avec notamment des aménagements en bois et des espaces extérieurs. » Un diagnostic qui est partagé par Grégory Ortiz, directeur associé chez Startway Coworking & Innovations Centers : « Depuis la rentrée de septembre, de plus en plus d’entreprises nous demandent de les accompagner pour repenser leurs modèles et leurs aménagements, déclare le dirigeant. On est passé du coworking au coliving, c’est-à-dire à la conception de tiers-lieux pour non seulement y travailler mais y vivre. » Pour illustrer ce glissement, l’intervenant évoque l’exemple de bâtiments publics des métropoles bordelaise et marseillaise, qui ont été réaménagés par son groupe pour accueillir ponctuellement des salariés, et même celui d’un bâtiment industriel situé à Arcachon (Gironde), où on peut à la fois travailler et passer la nuit, qui préfigure de nouveaux modes de gestion du travail à distance. Autre évolution marquante, les entreprises semblent vouloir s’affranchir des baux de 3, 6 ou 9 ans qui sont en vigueur dans le tertiaire, dans lesquels elles se sont trouvées piégées pendant les confinements, au profit de formules plus souples, tout en quittant les centres villes pour les régions, où les coûts sont moindres, ce qui permet d’augmenter les salaires. « Nous constatons un exode urbain, relève Joffrey Bernard, directeur retail et régions France chez l’aménageur Tetris, puisqu’on a enregistré 6 000 enfants de moins à la rentrée à paris, et que 60 % du total de mètres carrés loués cette année se situent en région. » De l’avis général, le marché s’oriente vers du coliving, à savoir une collocation professionnalisée avec des services, autrement dit vers une hybridation des actifs immobiliers, avec à la clé des volumes importants de travaux à réaliser par les agenceurs.

Relever le défi de l’écoresponsabilité

Le dernier grand thème de la journée, aujourd’hui incontournable, a été celui des achats responsables de la part des donneurs d’ordre des projets d’agencement. « Conséquence de la loi anti-gaspillage AGEC, les acheteurs publics doivent intégrer des critères de développement durables dans leurs réponses aux appels d’offres, et nous demandent conseil pour le faire, déclare Flore-Anne de Clermont, chef de projet au sein de l’éco-organisme Valdelia. Les achats publics représentent déjà 50 % du marché, mais les acteurs privés seront aux aussi bientôt impactés. » Le mouvement a d’ailleurs déjà commencé, comme le montre l’exemple d’un opérateur majeur, le promoteur Pierre & Vacances. « Nous avons renforcé notre stratégie RSE, en exigeant par exemple des labels de provenance du bois, et surtout en associant à nos projets des acteurs des aménagements à faible impact sur l’environnement », précise ainsi Eloïse Bried-Charreton, responsable Concept et design de l’entreprise. L’investisseur réalise aussi de plus en plus de projets avec du bois massif, en anticipant leur démantèlement en fin de vie, et en triant ses déchets de chantier.

Pour répondre à cette nouvelle demande, l’offre en produits et prestations qui relève de l’économie durable s’organise, à l’image des Uper’s, un réseau d’acteurs français de l’upcycling, qui se développe sous l’égide de l’Ameublement français et se caractérise par sa capacité à fabriquer sur mesure, pour chaque projet. « Notre activité consiste à accompagner les donneurs d’ordre dans leur démarche d’upcycling, sur tous les aspects du projet, des ressources utilisées au budget, du timing jusqu’au design », explique Olivier Hue, cofondateur de Merci René, un « Uper » qui a déjà aménagé les 150 logements d’une résidence étudiante, et les 1 500 m² d’une grande surface spécialisée dans le bio. Quand on parle d’upcycling, l’économie sociale et solidaire n’est jamais très loin, comme le montre le projet « R4 » mis en place par un autre Uper, Ares, qui possède 14 établissements en région parisienne. « Ce projet réunit les termes Réutilisation, Réemploi, Recyclage et Réinsertion, précise Florence Armitano, cheffe de projet. Après avoir longtemps récupéré les matériaux issus de la démolition dans le Bâtiment, nous avons, grâce à un appel d’offre remporté avec Valdelia, créé un atelier pour la valorisation du bois sous forme de mobilier. » Par exemple, Ares a récupéré 200 portes de la démolition de l’Hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris, qui ont été transformées en 200 tables au design très réussi.

Plusieurs intervenants importants de l’hôtellerie ont enfin témoigné de leur engagement en matière de RSE, à l’image d’Anne Balaresque, Design manager de Grape Hospitality, qui a expliqué que ses établissements intègrent de plus en plus d’objets récupérés, ou recyclés, comme c’est le cas par exemple de rideaux réalisés avec des chutes de tissus. Situé parmi les géants du secteur, Accor Invest, qui gère 300 hôtels en France et 800 en Europe, va plus loin en créant un outil d’évaluation de l’impact environnemental d’une chambre, en attribuant un « passeport circulaire » à chaque objet qui la compose. Une incitation forte pour les agenceurs à donner une place croissante dans leur offre aux matériaux et process à faible impact carbone.

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