
Un auditoire de dirigeants et responsables export
GEM : une journee pour decrypter les mecanismes de l’export
La Journée de l’International du GEM, qui a eu lieu à Paris le 3 octobre 2025, a permis aux fabricants français exportateurs de meubles de faire un point sur un commerce international chahuté par les tensions économiques et géopolitiques. S’il a été question de l’augmentation des droits de douane imposés par les États-Unis, beaucoup d’autres sujets ont été abordés, comme les évolutions du cadre réglementaire, l’IA au service de l’export, ou encore les marchés qui offrent les meilleures opportunités. FRANCOIS SALANNE
Chefs d’entreprises, responsables marketing et export ont répondu présent à la Journée de l’International organisée par le GEM – Groupe des Exportateurs de Meubles – de l’Ameublement français, organisée le 3 octobre dernier. Dans son mot de bienvenue, David Soulard, qui en est le président et également le directeur général de Meubles Gautier, a rappelé que la mission du GEM est de renforcer l’offre des Industries Françaises de l’Ameublement à l’export, en agissant de façon collective pour faire connaître et reconnaître la qualité de nos produits sur les marchés internationaux, ce qui est d’autant plus essentiel lors des périodes de crise comme celle que nous traversons depuis environ deux ans.

Etude Coface : un contexte international incertain
La journée a commencé par une présentation de l’étude réalisée par la Coface – Compagnie Française d’Assurance pour le Commerce Extérieur – sur les perspectives économiques de 2026, placée sous le double signe de la guerre commerciale et des incertitudes inédites, suite à l’élection de Donald Trump : un événement qui a tout changé, puisque le président des États-Unis a décidé d’imposer des droits de douane au monde entier, dans le but d’obliger les industriels à investir sur le sol américain pour réduire le déficit commercial abyssal de la première puissance mondiale. En juillet 2025, les droits de douane américains ont effectivement augmenté, dans des proportions importantes, mais qui sont encore supportables, sauf peut-être pour la Chine, qui doit faire face à une revalorisation de 35 %. « Dès lors, la question se pose de savoir qui va supporter ces droits de douane, les exportateurs vers les États-Unis, ou les consommateurs américains, s’est interrogé Bruno de Moura Fernandes, responsable de la recherche macro-économique à la Coface, présentateur de l’étude. C’est difficile à dire, mais y a un risque de redémarrage de l’inflation Outre-Atlantique, qui a déjà commencé pour les biens, et devrait s’étendre aux services. » Pour illustrer concrètement la situation, l’intervenant a pris l’exemple des exportateurs de vins et spiritueux vers les États-Unis : « Dans ce secteur, on constate que, malgré les nouveaux droits de douane, les prix à la consommation n’augmentent pas, ce qui veut dire que les producteurs de vins et spiritueux ont baissé leurs prix de 10 à 15 %, ils ont donc rogné sur leurs marges, mais encore faut-il pouvoir le faire », a-t-il ajouté. En revanche, à titre d’exemple, les acheteurs américains d’aluminium paient ce matériau plus cher, ce qui accrédite le retour de l’inflation aux USA.

Une nouvelle concurrence en Europe et ailleurs
Cette stratégie des droits de douane décidée aux États-Unis aura des répercussions sur l’ensemble du commerce mondial, car les entreprises qui exportaient jusqu’alors outre-Atlantique, et qui ne peuvent pas réduire leurs marges, vont pour trouver d’autres débouchés se tourner vers des pays où les droits de douane sont faibles. Avec 15 % de droits de douane supplémentaires, les fabricants européens sont-ils toujours compétitifs par rapport à leurs concurrents ? Le vin français peut-il encore se vendre aux USA par rapport à ses concurrents - par exemple argentins - moins taxés ? L’exemple le plus frappant est sans doute celui de la Chine, dont les exportations sont déjà en nette baisse (- 3,1 %) vers les États-Unis, ce qu’elle cherche à compenser en exportant plus vers les autres parties du monde, dont l’Europe.
Confrontée à une baisse de la demande intérieure, qui entraîne un ralentissement de sa croissance, la Chine va donc représenter une concurrence de plus en plus forte pour les fabricants du monde entier, y compris en Europe et notamment en France, où les importations chinoises sont en forte hausse.
Cette guerre commerciale arrive au mauvais moment, dans une zone euro où l’industrie a tendance à perdre du terrain. Les deux années de récession de l’Allemagne traduisent cette mauvaise passe, mais l’économie allemande, locomotive de l’Europe, devrait repartir de l’avant suite aux importants investissements réalisés outre-Rhin. L’Espagne, en revanche, connaît une bonne dynamique, grâce à une conjonction de facteurs qui lui sont favorables : les fonds européens, une immigration choisie, des prix bas et un coût du travail qui reste bas dans l’industrie par rapport à ses concurrents.

Une conjoncture qui depend de multiples facteurs
À quoi faut-il s’attendre pour 2026 ? Les conclusions de la Coface incitent à la plus grande prudence. Selon l’intervenant, l’euro pourrait se déprécier légèrement face au dollar, ce qui favoriserait les exportations européennes, mais cela reste suspendu aux taux directeurs qui seront fixés par la Fed aux USA et la BCE dans l’Union européenne. Les prix du pétrole sont orientés à la baisse, du fait de la guerre commerciale et des annonces des pays producteurs de pétrole. Les pays du Golfe devraient continuer à enregistrer une croissance dynamique - entre 3 et 5 % - grâce à la baisse des taux, et à la hausse de la production de pétrole. Malgré cet îlot de prospérité, la croissance mondiale restera ralentie par les tensions commerciales, avec une prévision de 2,5 % en 2026, équivalente à celle de 2025. Autre paramètre, les défaillances d’entreprises sont presque partout au-dessus des niveaux d’avant-Covid, et en forte hausse notamment en France et en Allemagne. Enfin, dernier indicateur donné par l’intervenant, le secteur de la construction, reste désespérément atone ; un rebond est maintenant attendu, car ce secteur tire en avant beaucoup de filières dont la filière meuble.

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[Zooms]
3 questions à… Baptiste Reybier, directeur général de Fermob
> Quelle est la part de l’exportation dans votre activité ?
L’export représente, pour Fermob, environ la moitié de notre chiffre d’affaires, dans laquelle l’Europe arrive largement en tête. Derrière notre premier marché qui est la France, notre premier pays à l’export est l’Allemagne, suivie de près par les États-Unis, puis par les autres pays européens. Nous exportons aussi vers une dizaine d’autres pays hors Europe, notamment de la zone Asie-Pacifique, avec des chiffres d’affaires moins importants.
> Quel est, pour vous, l’impact de la hausse des droits de douane aux États-Unis ?
Entre le mois de mars et le mois d’août 2025, il y a eu plusieurs décisions successives prises par les autorités américaines, qui nous ont obligés à nous adapter. Tout d’abord, nous payons 15 % de droits de douane supplémentaires sur tous nos produits, mais ce n’est pas tout. Nous devons également assumer une surtaxe sur le métal, qui ne devait s’appliquer qu’aux matières premières, et qui finalement a été étendue au mois d’août à tous les produits contenant du métal. Cette surtaxe est de 50 %, ce qui nous impacte directement.
Quelles mesures avez-vous prises pour faire face à la situation ?
Nous avons, tout d’abord, réalisé un gros travail pour déterminer au plus juste la quantité de métal contenue dans nos produits, afin de respecter le cadre réglementaire, mais de ne payer que les taxes qui sont dues, et ne sont pas appliquées ni aux autres composants ni à l’emballage. Ensuite, nous avons successivement augmenté nos prix une première fois au printemps, suite aux droits de douane appliqués aux produits, puis une deuxième fois en août, pour absorber la surtaxe sur le métal, et nous avons ensuite baissé nos prix, ce qui fait que l’augmentation globale de nos prix se situe entre 5 et 10 % selon les marchés. Même s’il est frustrant de devoir augmenter nos prix sans augmenter notre rentabilité, cette hausse reste modérée, et acceptable par le marché, en particulier quand on est situé sur le haut de gamme.
Utiliser l’IA pour booster l’export
Au programme de cette Journée de l’International, un atelier très pertinent sur le thème « Passez à l’e-export avec l’IA, moins de coûts, plus d’export ! » a permis de passer en revue un grand nombre d’outils alimentés par l’IA – tantôt payants et cher, tantôt très accessibles voire gratuits – pour développer son activité à l’export, en adaptant des offres aux marchés étrangers ciblés, en automatisant des tâches répétitives, et en fluidifiant les échanges avec clients, distributeurs et partenaires. S’il existe, pour les études de marché et la veille concurrentielle, des solutions performantes mais onéreuses – Crayon, Kompyte, Glimpse… -on peut aussi faire appel à des solutions gratuites ou semi-gratuites – Perplexity, Consensus, ChatGPT… – à condition d’interroger ces logiciels avec la plus grande précision possible, de périmètre géographique, de dates, de segments de marché, etc. Autre application de l’IA, dans une perspective de prospection commerciale, des outils nouveaux sont aujourd’hui capables de fournir des milliers de prospects exploitables et qualifiés, ainsi que des courriers types en différentes langues pour les contacter. Le champ des possibles semble très vaste puisque, grâce à l’IA, il est aujourd’hui possible d’avoir une conférence avec un client étranger en traduction simultanée audio-to-text, mais aussi d’adapter ses catalogues en implantant ses produits dans un intérieur du pays visé, de générer des vidéos multilingues pour un coût modique, ou encore d’utiliser un outil CRM multilingue, qui génère emails, posts et blogs localisés.

GEM : un accompagnement multiforme pour les exportateurs
Pour mener à bien sa mission, le GEM met en œuvre un grand nombre d’actions, à commencer par un accompagnement des compétences, qui peut prendre la forme d’un diagnostic export individuel, d’un coaching individuel et collectif, ou encore de sessions de formation hybrides avec outils d’appui à la vente. L’organisme invite également des acheteurs étrangers en France, notamment à l’occasion des salons professionnels – Maison&Objet, EquipHotel, EspritMeuble, etc. – et à titre d’exemple, 42 délégations étrangères ont été invitées depuis 2022, ce qui représente 400 acheteurs qualifiés provenant de 12 pays. Le GEM fournit aussi des données statistiques sur les marchés internationaux, des études de marché sectorielles par pays ou par segment, des veilles stratégiques, et une hotline juridique, douanière, règlementaire et logistique. Il organise enfin une prospection à l’international, qui passe entre autres par des collectives sur des salons étrangers, et des missions de prospection.

