(Image d'illustration : magasin gm Ortelli, Choisey)
[Bilan 2023] Marche du meuble : le point sur les resultats par famille et par circuit
Les exercices se suivent… et ne se ressemblent pas. Les « cycles », eux, en revanche, peuvent revêtir certaines similitudes, et comme cela s’est déjà vérifié dans l’historique des évolutions annuelles du marché du meuble, ce dernier, après 2 hausses consécutives – celles de 2021 et 2022, « belles » années post-Covid, respectivement à + 14,3 % et + 2 % - repart à la baisse en 2023. A l’occasion de son colloque organisé début décembre à Paris, l’IPEA / Institut de la Maison avait anticipé en évoquant un « léger négatif », au global, sur ces 12 mois ; le résultat final est désormais connu, officiellement livré ce 7 février 2024 lors de la traditionnelle conférence de presse livrée par les organisations du secteur – Ameublement Français et CNEF – aux côtés de l’Institut de statistiques : cette année 2023 se sera soldée, pour le marché du meuble, sur une variation globale, en valeur, de – 2,5 % par rapport à 2022, avec un marché évalué à 14,6 Mds€ (soit 300 000 € de moins que l’année précédente), retrouvant ainsi son niveau de 2021, qui avait lui-même été atteint à la suite de l’incroyable rebond observé post-crise sanitaire… En volume, en revanche, le repli se creuse logiquement, plutôt estimé entre – 8 % et – 9 %. Cette « sentence » aurait-elle pu être davantage sévère ? Incontestablement, semblerait-il, au vu des conditions actuelles, et cela est d’ailleurs la raison pour laquelle Guenhaël Seveno, président de l’IPEA, choisit de considérer le verre à moitié plein : « Ce bilan démontre que le marché du meuble est résilient, voire très résilient, introduit-il. Voyons plusieurs points positifs : on constate que la chute de l’immobilier [notamment - 22 % de mises en chantiers en 2023, ndlr] n’a pas eu son corollaire dans le meuble, ce dernier lui étant pourtant, par définition, fortement lié. C’est ici la démonstration, en quelque sorte, que les arbitrages des consommateurs en faveur de l’équipement de la maison se maintiennent globalement. Et il y a une raison à cela : les Français veulent changer d’intérieur sans déménager, ce qui fait émerger de nouveaux besoins d’agencement, d’organisation. » Plutôt que les termes « ruche » ou « cocon », le président de l’IPEA choisit d’employer celui de « terrier », tout aussi imagé, pour évoquer l’attachement que nos compatriotes nourrissent à leur habitat, et l’attention qu’ils lui portent : « Le fait d’aménager son terrier, d’autant plus par les temps qui courent, est devenu la norme pour le consommateur ». Autre point encourageant, ayant contribué à la résistance dont le marché a fait preuve en 2023 : la hausse du panier moyen, et ce « sur tous les types de meubles », qui a permis de compenser quelque peu la chute des volumes...
La literie en tete… et unique progression
Cette résilience globale ne saurait occulter la baisse importante des volumes, phénomène qui ressort d’autant plus avec le décalage existant, sur le comparatif 2023 / 2019, entre les courbes de l’inflation et de la croissance du marché du meuble (cette dernière est « seulement » de + 8,2 % sur la période) ; cette diminution du nombre de produits vendus est due, en majeure partie, au manque de fréquentation dans les magasins et, plus généralement, à la frilosité persistante d’un grand nombre de consommateurs, dont beaucoup, par ailleurs, ont eu l’occasion de s’équiper au sortir du Covid… Ainsi, l’évolution négative du marché du meuble en 2023, s’il elle a effectivement été limitée au global, résulte tout de même de difficultés marquées pour plusieurs familles de produits.
> Commençons par évoquer celle – et même la seule – ayant tiré son épingle du jeu, à savoir la literie : avec des ventes à 2,1 Mds€, elle progresse en valeur de + 1,2 % vs 2022, ce qui la propulse en première place des évolutions par famille, et lui attribue même l’unique progression… Une situation exactement contraire à celle de 2022, où la literie était au dernier rang, en étant la seule catégorie à avoir enregistré une baisse de ses ventes ! « Etonnamment, elle n’avait pas bénéficié de l’envolée post-Covid, commente Guenhaël Seveno. La situation, aujourd’hui, se retourne. Les efforts et le plébiscite des grandes marques, le développement du maillage des réseaux d’enseignes, ou encore la présence soutenue des produits de cette famille sur le web sont les principales raisons de cette croissance ».
> Deuxième famille du classement : celle du meublant, relativement stable (- 0,1 %), qui génère aujourd’hui 4,8 Mds€. Au sein de cette vaste catégorie, les différences sont marquées, selon les produits et les acteurs. Comment expliquer cela ? « Ici, la baisse des volumes est flagrante, et la recomposition produit / projet est au centre de toutes les attentions » souligne le président de l’IPEA. Cette recomposition se traduit ainsi : d’un côté, le meuble neuf est toujours plus concurrencé par celui de seconde main (sur cette famille, les produits entrant dans les foyers français sont, pour 21 % d’entre eux, issus de l’occasion) tandis que de l’autre, les ensembles de mobilier composés au moyen de configurateurs commencent significativement à créer de la valeur autour de la notion « magique » de sur-mesure… Voici quelque temps, en effet, que Christophe Gazel, directeur général de l’IPEA, insiste sur le fait que, désormais, il ne s’agit plus de penser le logement en surface, mais plutôt en volume ; en d’autres termes, les mètres carrés ont laissé la place aux mètres cubes ! Ranger et réorganiser sont devenus, en effet, les attentes principales des consommateurs ; ainsi, l’hétérogénéité du marché du meublant, et plus précisément les bonnes performances de certains acteurs en 2023, passent par « une exploitation subtile de cet équilibre entre produit et projet, mais aussi par une offre de mobilier à poser mieux adaptée à nos modes d’habitat, avec une note stylistique différenciante ».
> Baisse limitée, également, du côté des rembourrés (canapés, banquettes et fauteuils), qui clôturent ce bilan 2023 sur – 1,8 % (2,6 Mds€). Toujours en accord avec ce besoin d’optimisation d’espace, les convertibles portent cette famille, qui bénéficie également d’une présence en ligne toujours plus forte et de surfaces optimisées chez les spécialistes.
> Le mobilier de jardin accuse, de son côté, un repli de – 4 % (0,7 Md€), impacté par une météo peu favorable et un arbitrage défavorable des ménages qui, pourtant, accordent toujours une grande importance à leurs extérieurs, surtout depuis la crise du Covid…
> Avec – 5,6 %, le meuble de salle de bains (0,5 Md€ de ventes) figure à l’avant-dernière place de ce classement des évolutions, souffrant directement, pour sa part, des difficultés de l’immobilier.
> Enfin, la cuisine arrive en dernière position du classement, avec – 6,9 % et un CA de 3,9 Mds€ ; plus qu’une crise, l’IPEA préfère interpréter ce repli comme un ajustement fort des volumes vendus : en d’autres termes, la cuisine « rentre dans le rang », après des exercices vraiment exceptionnels… Si les budgets moyens semblent se maintenir en 2023, cette baisse, selon l’Institut de statistique, « semble être le début d’une réorganisation de l’offre, qui devrait voir revenir de manière plus distincte la différence entre le monté et le kit, pour des questions de prix ». L’année dernière aurait également été, vraisemblablement, « l’amorce d’une rationalisation des points et espaces de vente, qui ont ouvert aux 4 coins de la France ».
La GDA poursuit sur sa lancee !
Du côté des circuits, comme précédemment évoqué, il est à noter que chacun des acteurs de la distribution de meuble « physique », quel que soit son positionnement, a dû faire face à une baisse de la fréquentation en 2023 ; pour autant, comme tient à le souligner Christophe Gazel, outre le fait que les paniers moyens se soient maintenus, ou aient même augmenté pour certains, le trafic sur le web a quant à lui « beaucoup évolué »… une nouvelle preuve du profond intérêt que nourrissent les consommateurs français pour l’équipement de leur habitat !
> Dans le détail, la grande distribution ameublement (GDA) se maintient en tête du classement des évolutions par circuit (en valeur) comme en 2022 : elle enregistre même la seule progression du tableau, à + 1,4 % (avec un CA de 5,6 Mds€). « Ce circuit a su emprunter le virage des configurateurs, développe Christophe Gazel. En outre, il est relativement en avance sur l’omnicanalité, et met aussi en avant une certaine approche stylistique ». En somme, même sur ce segment de la GDA, la distinction « produit » par rapport à « projet » distingue les performances, tout comme la capacité à offrir des gammes différenciées en termes de marque, marque propre, fonctions et design… Citons par exemple Conforama, qui vient tout juste de lancer sa nouvelle marque exclusive Lomoco : forte de plus d’une centaine de références, elle signe mobilier et articles de décoration au style marqué.
> Le circuit des pure-players (e-commerce) arrive en deuxième position de ce classement des évolutions par circuit, avec – 1,9 %, en ayant généré un chiffre de 1,3 Md€ : « Les places de marché prennent de plus en plus de place » constate notamment Christophe Gazel.
> A la suite, avec – 2 % et un CA de 1,6 Md€, les multi-spécialistes – positionnés, donc, sur le milieu / haut-de-gamme – parviennent, pour beaucoup, à augmenter leur panier, du moins à le maintenir (grâce à un savoir-faire certain), en dépit d’une forte baisse de fréquentation pouvant ressembler à une « douche froide », après des années post-Covid très porteuses…
> Avec un recul de – 4 % et 0,6 Md€ de ventes, les « autres circuits » - comprendre les enseignes discount et alimentaires non spécialisées meuble – souffrent eux aussi ; notons, malgré tout, que ces derniers, et en particulier les discounters, « font de plus en plus de bruit sur le produit meuble, et prennent de plus en plus de place sur le marché ». On pouvait lire, en effet, dans le Meubloscope 2023 publié par l’IPEA, que ces enseignes à prix cassés nourrissent toujours une stratégie offensive sur l’offre meuble, mais surtout décoration, avec, en quelques années, des milliers de magasins déployés sur l’ensemble du territoire (en témoigne la croissance fulgurante du réseau Centrakor !) La fréquentation régulière, nourrie par des tarifs attractifs et des rotations ultra-rapides, est leur atout principal… ce qui, pourtant, ne les empêche donc pas d’être impactés en 2023.
> Les grandes surfaces de bricolage (GSB) subissent un mauvais second semestre, avec un atterrissage global, en 2023, à – 5,5 % (1,9 Md€ de CA) : une situation tranchant radicalement, là encore, avec l’embellie des années post-crise sanitaire…
> Enfin, ce sont les spécialistes qui subissent le plus rudement la baisse de fréquentation de 2023, en clôturant l’année 2023 à – 6,9 % (3,6 Mds€ de CA) ; le repli, toutefois, est quelque peu limité également, ceci prouvant un certain maintien des prix… « Le travail sur l’identité des enseignes est bel et bien l’enjeu de 2024, comme il a été celui de 2023 » avance le DG de l’IPEA, ajoutant que la capacité de ces spécialistes à relancer le trafic du secteur sera également l’une des clés de l’année en cours.