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26.5.2021

Quelles influences du digital sur les mutations du magasin ?

Dans sa dernière livraison, l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance explore les mutations probables du point de vente et de la livraison sous l’effet de la digitalisation des ventes. Dans les scénarios évoqués, le magasin est appelé à remplir des fonctions nouvelles de studio de tournage pour stream shopping, et de mini-centre logistique pour se rapprocher du client final, tandis que la robotisation de la livraison n’est plus qu’une question d’années.

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Sans qu’on en perçoive encore toutes les retombées, l’année de pandémie a profondément influencé la façon de faire du commerce, un thème qui donne beaucoup de matière aux organismes chargés de l’analyse de la consommation. C’est ainsi que le rapport Commerce Reloaded 2021 de l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance – le 10e – se penche sur les mutations digitales du commerce face au Covid-19. Dans une restitution sous forme de webinaire le 19 mai, le principal intervenant par la partie e-commerce du rapport, Nicolas Diacono, Analyste des Tendances Digitales de l’Échangeur, a tout d’abord mis l’accent sur les grands gagnants de la pandémie, à savoir les réseaux sociaux, où on fait de plus en plus de commerce. C’est le cas par exemple de Tiktok, qui a été longtemps un outsider, et qui est devenu un outil dominant, et pas seulement pour les plus jeunes, où le leader mondial de la distribution Walmart met en ligne des vidéos pour y vendre ses marques.

Une mégatendance à venir, le live stream shopping

Pour l’intervenant, « nous avons atteint un point de non-retour dans la digitalisation, et l’e-commerce a gagné 10 ans de pénétration de marché en seulement 8 semaines de pandémie, il devrait atteindre 50 % des ventes de détail d’ici 2025 aux USA et au Royaume-Uni, avec 5 ans d’avance sur les prévisions. » Comme l’explique Nicolas Diacono, le e-commerce en se développant génère des formes nouvelles de commercialisation, à commencer par le « live stream shopping », une tendance venue d’Asie et qui va certainement se développer aux USA et en Europe. Le « live stream shopping », qui consiste à acheter des produits présentés dans le cadre de vidéos sur internet, ce qui l’apparente un peu à un « télé-achat 2.0 », existe déjà depuis plusieurs années. Mais il a connu un essor énorme pendant la pandémie : de 430 millions en 2019, les Chinois ont été 560 millions à regarder des streams en 2020, soit 39 % de la population chinoise. Dans le même temps, le volume d’affaires du « live stream shopping » est passé, toujours en Chine, de 60 milliards en 2019 à 170 milliards de dollars en 2020, ce qui représente 13,9 % du e-commerce chinois. Et cette tendance est en train d’arriver en France : l’intervenant cite les exemples de Fnac-Darty, qui a transformé l’un de ses magasins à Paris en studio pour tourner des « streams » de présentation de ses produits, et de Galeries Lafayette, qui pendant la fermeture de ses magasins, a organisé des rendez-vous en vidéo avec ses clients pour pouvoir continuer à vendre ses produits.

Point de vente sans contact et micro-centre logistique

Dans un tel contexte d’hyperdigitalisation, il ne fait pas de doute que le magasin est appelé à se transformer, comme le montrent les pistes d’évolution relevés par l’Échangeur. Ainsi, il existe une tendance au « Fast shopping », c’est-à-dire un point de vente où tout est conçu pour qu’on y passe le moins de temps possible, pour réduire les risques de contracter le Covid-19. C’est le cas du magasin de produits technologiques Fastshop à Sao Paulo (Brésil), où le client entre sans rien toucher, scanne et paie les produits qu’il veut acheter avec son Smartphone, et se fait livrer deux heures plus tard par un chauffeur Uber. Dans le même registre, le concept nord-américain Amazon Go pour le dépannage de proximité en épicerie est arrivé à Londres, ouvrant la voie, selon certains observateurs, à l’ouverture de 10 000 concepts équivalents en Europe d’ici à 2025. Autre évolution, au moins aussi importante, la montée du e-commerce va faire évoluer le point de vente vers des « dark stores » ou des mini-centres logistiques, avec un objectif très simple : se rapprocher du client final pour pouvoir le livrer de plus en plus vite. A titre d’exemple, la start up espagnole Glovo, un service de messagerie à la demande qui achète, récupère et livre les produits commandés via son application mobile, a annoncé 100 millions d’euros d’investissements pour créer des centaines de mini-centres logistiques en Europe.

(Copyright Freepik)

Livraison : la robotisation est en marche

Pour réussir cette transformation vers le e-commerce, les acteurs de la distribution devront aussi améliorer les performances de la livraison. « 55 % des consommateurs souhaitent être livrés sous deux heures, alors que 19 % des enseignes peuvent aujourd’hui livrer en moins de 48 heures, déclare Nicolas Diacono. D’autre part, 56 % des clients trouvent les frais de livraison trop élevés. Il y a là un vrai point de pénibilité pour les consommateurs finaux, un levier essentiel à actionner. » Il y a aussi des points positifs, puisque 55 % des consommateurs se disent prêts à livrer les commandes de leurs voisins, moyennant une légère rétribution, et 50 % des consommateurs accepteraient de se faire livrer par un robot ou un drone. 35 % seraient même enclins à se faire livrer par un robot à l’intérieur de leur domicile. Pour faire face au e-commerce, l’Échangeur révèle que 70 % des retailers ont investi dans la logistique pendant la pandémie, dans le but de combler leur retard par rapport aux géants du secteur.

Cependant, la prochaine ère de la livraison, à savoir la robotisation, avance à grand pas. D’ici à 2030, 20 milliards de colis par an seront livrés par des véhicules autonomes, comme ceux que l’on voit déjà en activité à Beijing (Chine), un mode de livraison qui générera alors 33 milliards de dollars en 2030. « Cette multiplication des outils de livraison autonomes ne va pas être sans poser de nombreux problèmes, notamment dans la circulation urbaine des grandes villes, mais ce n’est pas de la science-fiction, commente l’intervenant. A priori, les livraisons en ville seront assurées par des véhicules au sol, et celles dans les espaces ruraux par des drones. »

Pour terminer ce tour d’horizon, il faut aussi s’attendre à des mutations au niveau du paiement fractionné, avec des nouveaux acteurs montants qui proposent des applications avec tout un écosystème donnant accès au stream shopping, au règlement différé de la commande, et au suivi de l’achat jusqu’à la livraison, à l’image d’un Shopify. Cette plateforme de services qui s’est beaucoup développée pendant le confinement, en permettant aux commerçants de digitaliser leurs processus et de continuer à vendre en ligne. Comme l’a rappelé l’intervenant en conclusion, le magasin continuera de jouer le rôle de « monnaie sociale », en tant que lieu d’interactions humaines, et devra aussi être le lieu d’expression des engagements attendus de la part des marques, dans les domaines environnemental et éthique.

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Quelques chiffres

  • L’e-commerce devrait atteindre 50 % des ventes de détail d’ici 2025 aux USA et au Royaume-Uni
  • En Chine, le « live stream shopping » est passé de 60 Mds$ en 2019 à 170 Mds$ en 2020
  • 55 % des consommateurs souhaitent être livrés sous 2 h, et 19 % des enseignes peuvent le faire en moins de 48 h
  • 50 % des consommateurs accepteraient de se faire livrer par un robot ou un drone
  • 20 Mds de colis par an seront livrés par des véhicules autonomes d’ici 2030
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