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24.9.2024

[Etude IPEA / CODIFAB] Decrypter le comportement des acheteurs de meubles en France… en scrutant l’Europe

A la mi-juin, l’IPEA / Institut de la Maison a livré les grands enseignements de sa dernière étude menée avec le soutien du CODIFAB :intitulée « Les Européens et le meuble », elle a vocation à explorer les tendances, observées dans 10 pays du Vieux Continent, susceptibles d’influencer l’attitude des consommateurs de meubles de l’Hexagone.

L’étude a été réalisée sur la base d’une enquête consommateurs administrée en mai 2024, sur un total de 15 000 ménages, soit 1 500 par pays (France, Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suisse). Sans pouvoir en restituer la synthèse totale – elle s’avère très vaste, à la hauteur du travail fourni par les experts de l’Institut, et peut être obtenue auprès de ces derniers* – nous en livrons ici quelques points-clés intéressants.

> La première thématique de cette étude concerne le sujet – crucial – de la notoriété spontanée des enseignes pour les achats de meubles. Sur ce point, Christophe Gazel, DG de l’IPEA, constate des taux de concentration « très différents » d’un pays à l’autre, et rapporte que le principal élément clivant est celui de l’âge, avec d’un côté « ceux qui ont fait le marché, et qui le font toujours, à savoir les 60 ans et plus » et, de l’autre, « ceux qui vont faire le marché, c’est-à-dire les 20-39 ans ». En résumé, lorsque l’on considère une logique de consommateur « au global » dans toute l’Europe, on s’aperçoit qu’Ikea est omniprésent en « top of mind » ; mais particulièrement, sur les 20-39 ans, l’IPEA constate une « très forte présence » d’Amazon… ne correspondant pas, toutefois, aux parts de marché. Christophe Gazel commente : « Nous voyons ainsi que les esprits changent quant à l’accès au marché. Les gens pensent à l’aménagement de leur maison, donc ont tel ou tel réflexe ; les repères et sources d’informations sont en train de muter, surtout si l’on s’intéresse à cette cible à forts enjeux que constitue la génération Z ». L’émergence d’Amazon, en particulier, est flagrante depuis près de 2 ans dans les enquêtes consommateurs de l’IPEA… soit depuis la sortie de crise du Covid. Pour les acteurs « traditionnels », la problématique se pose ainsi : « On a besoin de faire venir le consommateur, de lui dire que l’on existe, et ceci, précisément, devient compliqué car ledit consommateur a son écran fortement occupé par une poignée d’enseignes. Comment, ainsi, parvenir à le toucher ? »

Source : IPEA / Institut de la Maison – avec le soutien du CODIFAB

> Deuxième point abordé dans cette étude que celui des qualificatifs de l’offre ou, plus précisément, ce qui définit le mieux l’offre de meubles à disposition pour les habitants de chaque pays. Du côté de nos voisins, il est par exemple flagrant de constater que l’Italie se distingue sur la disponibilité rapide des produits, et sur le fait que lesdits produits ne soient pas chers : « Les consommateurs savent qu’ils vont devoir parcourir une distance conséquente pour accéder à l’offre de meubles, donc ils ciblent sans doute mieux les magasins en amont ; c’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, la problématique du choix n’apparaît pas centrale là-bas » explique Stéphane Larue, directeur des études de l’IPEA. Du côté de l’Hexagone, l’on se retrouve « plutôt dans la moyenne » sur le choix et le « pas cher »… tandis que nous sommes « largement au-dessus » de cette moyenne pour le qualificatif « proche de chez vous » ! « On peut imaginer que le consommateur français n’est pas forcément prêt à parcourir des dizaines et des dizaines de kilomètres pour avoir accès à des magasins de meubles ; la preuve : il a tendance à citer spontanément des enseignes proches de chez lui » résume Stéphane Larue, admettant néanmoins que la perception de la distance reste subjective. En Allemagne, la recherche de choix et de produits tendances est la plus avancée par les interrogés, mais moins le prix.

> Sur la dualité magasin / internet, et en particulier sur la question « Comment pensez-vous que vos dépenses de meubles vont évoluer dans les prochaines années ? », le DG de l’Institut fait remarquer que, globalement, « nous sommes encore très loin du dépassement des circuits online sur les boutiques physiques ». Par exemple, en France, 18 % des sondés prévoient de passer davantage par le web pour leurs prochains achats – nous sommes alors loin derrière l’Allemagne, qui affiche ici 29,7 % - mais ce sont près de 22 % qui envisagent d’aller plus régulièrement et plus souvent dans les magasins ! « Cela sous-entend que, pour près de 2/3 des personnes, il n’y aura pas de changement majeur » souligne Christophe Gazel. Et notons d’ailleurs que, même chez les populations plus jeunes (20-39 ans), 25 % disent vouloir faire plus d’achats en ligne, mais ils sont presque 30 % à vouloir solliciter davantage les acteurs physiques ! « Ainsi, la volonté d’aller en magasin est supérieure. Ceci est à mettre en rapport avec la position d’Amazon, qui arrive dans le top 5 en notoriété spontanée, pour les achats de meubles, dans plusieurs pays d’Europe : autrement dit, il n’est pas prêt, a priori, de remplacer les autres acteurs » conclut, sur cette question, le dirigeant.  

> Concernant l’occasion, on note que la France se trouve dans une « position très clivante » lorsque l’on se penche sur les intentions des consommateurs pour leurs futurs achats de meubles : même pour les 60 ans et plus, la proportion de répondants désireux de se fournir en produits de seconde main est supérieure à la moyenne européenne… « Il se passe quelque chose ! » martèle Christophe Gazel.

Source : IPEA / Institut de la Maison – avec le soutien du CODIFAB

> Pour ce qui est des critères d’achat, signalons que l’Hexagone se trouve dans la moyenne européenne concernant le prix / le style / les atouts RSE : « Autrement dit, sur ces critères essentiels, nous avons UN consommateur européen » analyse le dirigeant, admettant toutefois que « la France a peut-être un côté style un peu plus marqué, avec une Belgique en tête » et que « sur le prix, l’Italie se distingue, certainement à cause de la tension économique qui y règne actuellement ». En revanche, pour les autres critères (e-commerce, format des magasins…) les classements sont disparates selon les pays.

> Autre sujet crucial : du produit au projet, ou de la bonne utilisation des configurateurs ! Parmi la foule d’informations livrées, Christophe Gazel note qu’il est intéressant de voir que 28,3 % des Français (tous âges confondus) envisagent d’utiliser ces solutions technologiques s’ils devaient changer leur mobilier de salon / séjour : comparant cela avec les autres données de l’étude, le dirigeant conclut qu’ « en moyenne, 2 fois plus de consommateurs, par rapport à aujourd’hui, opteront pour ces configurateurs s’ils doivent aménager cette pièce de leur habitat ». Et d’interpréter : « Cela est très bon pour les industriels et les distributeurs qui sont en train de faire de gros efforts pour « passer du produit au projet », avec un gros écart de prix – s’il faut encore le rappeler – entre les mètres cubes à équiper et le simple meuble à poser ! » En d’autres termes, ici, l’enjeu est de « montrer au consommateur qu’on l’a compris dans son usage, dans son esprit stylistique, etc. » Faisant référence à une notion véhiculée par Philippe Moati, cofondateur de l’ObSoCo, le DG de l’IPEA évoque l’avenir du « commerce de précision », l’importance des démonstrations, etc. « Nous avons une chance inouïe : le consommateur veut des magasins physiques, et des magasins spécialisés. Une opportunité pour ces derniers, pourvu qu’ils parviennent à expliciter, de plus en plus, l’usage de leurs produits ».

Après avoir passé en revue les nombreuses autres thématiques de cette étude (produits achetés récemment, rôle du déménagement dans les achats de meubles, styles plébiscités par les consommateurs, sources d’informations privilégiées…), le DG de l’IPEA s’est livré à une grande synthèse, axée autour de 4 enjeux fondamentaux pour les acteurs du marché :

> L’arrivée d’Amazon – qui, certes, est pour l’instant uniquement positionné sur du meuble fonctionnel, mais qui dispose d’un service client irréprochable – va très certainement bousculer les choses. « Chacun a au moins intérêt, justement, à se constituer un service client de pointe ! » avance Christophe Gazel.

> Nous savons que nous allons vers davantage de mobilier configurable en séjour et chambre : « Les industriels sont prêts, les fournisseurs de configurateurs aussi ; c’est peut-être un peu moins le cas pour la distribution. Cela implique en effet le facteur humain, la formation des équipes, une découverte du client différente… » Et d’ajouter : « Sur ce point aussi, quelque chose est en train de se jouer, beaucoup avancent leurs pions. Ikea, par exemple, progresse à toute vitesse en ouvrant énormément de magasins de proximité en Allemagne… Nous savons, ainsi, que les configurateurs, à terme, seront également là pour les produits d’entrée de gamme ».

> Même si relativement légère, la croissance de l’occasion pèse sur le marché. Comment gérer ce sujet ? « Car elle prend forcément des ventes au neuf, avance Christophe Gazel. En cela, pour les acteurs traditionnels, la meilleure des réponses sera, là encore, de jouer la fonction. Le consommateur post-Covid veut des usages, des rangements différents ».

> Enfin, on constate une demande croissante de produits disponibles et moins chers. « Beaucoup d’acteurs de la grande distribution créent de nouveaux concepts de magasins en mettant moins de stocks, sur les surfaces restreintes, pour limiter les coûts et pénétrer des zones plus facilement. Mais est-ce-que cela va réellement dans le sens des attentes, lorsque dans le même temps, les acteurs en ligne sont capables de tout livrer, rapidement ? » s’interroge le dirigeant, avant de conclure que, sur ce point, « une bonne gestion des stocks, et donc de l’offre disponible, est également une réponse pertinente à la montée en puissance de l’occasion ».

* ipea.fr

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