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18.2.2022

Économie circulaire : la montée du consommateur-entrepreneur

Y aura-t-il prochainement des produits de seconde main à vendre dans tous les magasins de meubles ? C’est fort possible, si on en croit les réponses des consommateurs européens qui ont été sondés par l’Observatoire Cetelem 2022, dont le sujet est l’économie circulaire. En effet, ils sont de plus en plus nombreux non seulement à acheter des produits d’occasion, mais aussi à les revendre pour générer des revenus supplémentaires, ce qui en fait des « consommateurs-entrepreneurs ». Un marché émergeant, où les marques et enseignes ont un rôle certain à jouer.

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Explorateur expert des tendances de consommation, l’Observatoire Cetelem a fait le choix, pour sa livraison 2022, de se pencher sur la question de l’économie circulaire, et de l’influence qu’elle peut avoir sur la consommation. Cette vaste enquête en ligne, réalisée auprès de 15 800 consommateurs représentatifs de la population de 17 pays européens, permet d’en savoir plus sur le sujet, et d’envisager quel pourrait être son impact sur l’avenir de la distribution [voir encadré]. Mais avant toute chose, comment peut-on définir ce concept ? Selon l’ADEME, « l’économie circulaire peut se définir comme un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien être des individus »*. Opposée à l’économie « linéaire » – qui repose sur le modèle extraire des ressources, fabriquer, jeter – l’économie circulaire repose sur trois étapes : une exploitation responsable des ressources, et une offre durable fondée sur l’écoconception et l’économie de la fonctionnalité de la part des acteurs économiques ; une attitude responsable de la part des consommateurs, par la mutualisation, l’allongement de la durée d’usage, le réemploi, la réparation, la réutilisation ; et enfin la gestion des déchets et le recyclage, ces trois étapes s’entraînant les unes les autres pour créer un cercle vertueux.

Observatoire Cetelem 2022 – le courrier du meuble et de lhabitat (2)

Une notion mal connue mais avec une bonne image

L’Observatoire a tout d’abord sondé les consommateurs européens sur la notoriété de ce concept… qui s’avère assez faible : seuls 25 % d’entre eux, en moyenne, en ont entendu parler. Dans le concert européen, il apparaît une ligne de fracture entre les pays les moins avancés qui sont situés surtout à l’Est – seuls 9 % des Slovaques, 12 % des Hongrois et des Bulgares, 15 % des Roumains et des Polonais en ont entendu parler – et les pays les plus avancés situés à l’Ouest et au Nord de l’Europe : les champions sont les Italiens (36 % de consommateurs éclairés), suivis des Allemands (29 %), et juste derrière des Français et des Espagnols (28 %), puis des Norvégiens (26 %). En revanche, l’économie circulaire a bonne presse, puisque qu’elle recueille une très bonne image pour 24 % des sondés, et plutôt une bonne image pour 61 % d’entre eux, ce qui donne au total 85 % d’opinions favorables. Pourquoi ? Parce que, pour 85 % des sondés, elle permet « plutôt » ou « tout à fait » de préserver l’environnement et les ressources naturelles : un argument massue qui fait son chemin dans l’esprit des consommateurs. Par ailleurs, 82 % des consommateurs européens pensent qu’elle permet « plutôt » ou « tout à fait » de développer des produits ou process de fabrication innovants, tandis que 75 % d’entre eux estiment « plutôt » ou « tout à fait » qu’elle crée des emplois. Sur le plan des réserves, 65 % estiment que l’économie circulaire coûte cher, en raison du recyclage notamment, et 45 % estiment qu’il s’agit d’un marché peu réglementé qui n’inspire pas confiance. Enfin, 65 % des sondés estiment qu’il ne s’agit « plutôt pas », ou « pas du tout » d’un effet de mode. Nous apprenons aussi que les pratiques de l’économie circulaire sont déjà très répandues : 89 % des sondés ont des pratiques qui favorisent le recyclage, 84 % des pratiques pour réduire leurs déchets, et plus important encore, 81 % déclarent faire en sorte que les produits dont ils se séparent soient réutilisés – en les donnant, en les réparant, en les revendant – ce qui montre une intolérance montante au fait de jeter des objets encore utilisables. Seuls 36 % des consommateurs européens, en moyenne, considèrent que l’économie circulaire est développée dans leur pays, ce qui lui donne un important potentiel de développement, et 41 % d’entre eux considèrent qu’ils ne sont pas assez informés sur le sujet.


Observatoire Cetelem 2022 – le courrier du meuble et de lhabitat

Un consommateur acteur de sa consommation

La partie la plus passionnante de cet Observatoire est sans doute celle qui montre que, par l’économie circulaire, le consommateur devient « entrepreneur de sa consommation ». Pour lui en effet, une grande part de l’économie circulaire se traduit par le fait d’acheter des produits d’occasion, recyclés ou de seconde main, une pratique qui est en forte augmentation. Quelles sont ses motivations en recourant à ce comportement de consommation ? Il s’agit en premier lieu de faire des économies, autrement dit de gagner de l’argent, car l’économie circulaire permet d’acheter moins cher, et même de gagner de l’argent en revendant ! Les personnes sondées, en recourant à l’achat de produits d’occasion, estiment dans leur ensemble à 44 % qu’ils vont « acheter plus », à 25 % seulement qu’ils vont dépenser plus, et surtout à 78 % qu’ils vont « gagner de l’argent. » Autre façon de présenter les choses, 52 % des sondés achètent des produits d’occasion pour « réaliser des économies », tandis que 36 % le font « parce qu’il s’agit d’un bon comportement pour préserver les ressources et l’environnement », suivis de 29 % qui le font « pour pouvoir consommer plus de choses »… sans oublier 14 % qui le font « pour gagner de l’argent en achetant et revendant ». Quant à l’argent économisé en achetant un produit d’occasion, donc moins cher, une petite moitié (48 %) le dépensent pour acheter d’autres produits, mais en grande majorité quelque chose dont on a besoin pour sa vie quotidienne (71 %), plutôt qu’un produit coup de cœur dont on n’a pas vraiment besoin (29 %).

L’Observatoire nous apprend que la mise en vente de produits d’occasion est une pratique durablement installée : 24 % des consommateurs européens mettent en vente des produits chaque mois, et parmi eux, ce sont les 18 – 34 ans le font le plus, à savoir ceux qui n’ont pas connu le monde sans internet. Ce qui constitue un revenu d’appoint non négligeable : sur un mois normal les revenus générés par ces ventes sont de 42 € pour les 50-75 ans, et montent jusqu’à 103 € pour les 18-34 ans. La France, avec un revenu moyen généré de 67 € se classe au milieu du peloton, loin devant la Hongrie bonne dernière (27 €), mais loin derrière l’Allemagne (105 €) le Royaume-Uni qui est en tête (115 €). Deux motivations se détachent pour la vente de produits d’occasion : faire de la place chez soi, et avoir des revenus supplémentaires, à égalité à 39 %.

Economie circulaire : quels canaux de distribution ?

Enfin, l’Observatoire se penche, dans sa dernière partie, sur la question de savoir qui sont les acteurs qui bénéficient et vont bénéficier d’une revente de produits de seconde main qui va inéluctablement se développer. Pour en savoir plus, les consommateurs européens ont été sondés sur leur perception et sur les canaux de distribution des produits de seconde main.

A l’heure actuelle, les pure players d’internet ont conquis un espace important sur ce marché, puisque les consommateurs européens associent à 43 % l’économie circulaire avec les pure players et leurs plateformes en ligne de consommateur à consommateur (CtoC). Ces derniers font presque jeu égal avec les enseignes et les marques consommateurs, et leur modèle BtoC, qui y sont associées pour les 57 % restant. Quand on leur demande où ils préfèrent acheter leurs produits d’occasion, les sondés classent en première position une enseigne ou un magasin spécialisé dans la seconde main (à 41 %), suivis d’une plateforme d’échanges entre particuliers (39 %), et d’une brocante ou un vide-grenier (26 %). Mais pour ce qui est de la revente, l’ordre s’inverse : 58 % d’entre eux préfèrent revendre sur une plateforme entre particuliers, et 25 % seulement via une enseigne ou un magasin spécialisé dans la seconde main, et c’est encore moins lors d’une brocante ou un vide-grenier (18 %).

Autre enseignement de l’étude, les consommateurs européens restent très attachés (à 75 % en moyenne, et à 76 % en France) au fait de posséder les choses, plutôt que les louer ou les emprunter ; seuls 25 % n’y sont pas très attachés, c’est le cas de 24 % en France. Les trois familles de produits qui pourraient le plus facilement être loués sont les jeux vidéo et consoles, les livres et les outils de bricolage.

Observatoire Cetelem 2022 – le courrier du meuble et de lhabitat

Des attentes vis-à-vis des marques

Enfin, les sondés ont aussi été interrogés sur les freins qui s’opposent pour eux à un achat d’occasion. Et les cinq raisons qui arrivent en tête sont les suivantes (avec plusieurs réponses possibles) : un manque de confiance dans les produits d’occasion non garantis (30 %) ; l’idée que le produit a déjà été utilisé par une autre personne (26 %) ; le fait de préférer les choses neuves (25 %) ; le fait que ce soit trop cher pour un produit déjà utilisé (24 %) ; le fait qu’un produit usagé n’est pas sûr (23 %). Ajoutons à ce propos que l’aspect « dévalorisant » ou le côté honteux qui a pu être associé à l’achat d’occasion semble avoir aujourd’hui tout à fait disparu. D’autre part, les consommateurs européens plébiscitent (à 86 %) un indice de réparabilité, apposé sur les produits pour indiquer leur niveau de réparabilité, et plus encore un indice de durabilité (à 90 %), qui indiquent la robustesse et la fiabilité des produits, deux initiatives qui permettraient de guider l’achat d’occasion qui est encore aujourd’hui aléatoire. Les personnes interrogées se montrent aussi favorables aux marques et enseignes qui développent la reprise des produits usagés pour leur donner une seconde vie, ce que 86 % d’entre eux considèrent comme un processus innovant qui génère une nouvelle façon de concevoir les produits, ce que 85 % considèrent comme indispensable pour l’avenir, et 82 % comme un témoignage d’un engagement des marques envers l’environnement. En proposant des pratiques qui permettent de gagner de l’argent, de respecter l’environnement, et demain une réassurance sur les produits d’occasion, les acteurs de la distribution ont tout à gagner à s’intéresser à l’économie circulaire.

*www.ademe.fr/expertises/economie-circulaire

[F. S.]


[Zooms]

L’Observatoire Cetelem et sa méthodologie

Créé en 1985 et dirigé par Flavien Neuvy, l’Observatoire Cetelem est un organisme d’études et de veille économique du groupe BNP Paribas Personal Finance. Sa vocation est d’observer, éclairer et décrypter l’évolution des modes de consommation en France et à l’international. Pour remplir cette mission, il édite chaque année deux Observatoires, c’est-à-dire deux études de référence grand public menées au niveau international, l’une sur l’automobile, et l’autre sur la consommation au niveau européen (17 pays). Il édite aussi les zOOms, consacrés à un grand thème (tourisme responsable, télétravail, place des animaux dans la société, etc.) en 3 temps, sollicitant l’avis des Français au travers de 3 vagues de sondage, et l’Œil, qui observe à la loupe les nouveaux faits de consommation, et repère les micro-faits qui préfigurent les innovations et mutations marquantes en matière de consommation.

L’Observatoire de la consommation 2022, qui a pour titre « Économie circulaire, place au consommateur entrepreneur », est une enquête consommateurs quantitative, qui a été réalisée par l’institut Harris Interactive du 5 au 19 novembre 2021 dans 17 pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, France, Hongrie, Italie, Norvège, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie et Suède. Au total, 15 800 personnes ont été interrogées en ligne (mode de recueil CAWI). Ces personnes âgées de 18 à 75 ans sont issues d’échantillons nationaux représentatifs de chaque pays. La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, région d’habitation et niveau de revenus/CSP). 3000 interviews ont été réalisées en France et 800 dans chacun des autres pays.

Baromètre : le retour de l’optimisme, le bémol de l’inflation

L’Observatoire Cetelem comporte une partie Baromètre, qui permet de prendre la température de la consommation en France et dans les principaux pays européens. Comme l’a relevé Flavien Neuvy, son directeur, 2021 est une année de forte croissance partout en Europe, et en particulier en France, qui enregistre +6,7 %. Un retournement de situation par rapport à 2020, qui avait été une année de récession en raison de la crise de la Covid-19 (la France avait régressé de – 3,5 %). Cette donnée fondamentale, qui se traduit par un recul du chômage et une élévation de l’employabilité – 67 % des plus de 15 ans ont un emploi en France – conditionne les autres indicateurs : ainsi, la note attribuée par les sondés à la situation économique de leur pays est en augmentation presque partout, et s’établit à 5,4 sur 10 en moyenne, en hausse de +0,7 point (5,5 sur 10 en France, en hausse de +1,1 point).

Autre conséquence, l’intention d’augmenter ses dépenses est également en hausse : 41 % des consommateurs européens en moyenne ont l’intention de le faire, contre 34 % au début  2021, soit une hausse de +7 points (37 % des Français en ont l’intention, contre 29 % seulement en 2021, soit + 8 points).

En ce qui concerne l’intention d’épargner – les Français ont épargné 170 milliards d’euros depuis le début de la crise – elle se maintient à un niveau inchangé et élevé, puisque 54 % des consommateurs européens ont l’intention d’épargner plus (44 % des Français, contre 40 % au début 2021, soit + 4 %), ce qui traduit les incertitudes qui continuent de planer sur l’avenir. Enfin, pour ce qui est du pouvoir d’achat, 21 % des sondés estiment qu’il a monté, 45 % qu’il est resté stable, et 34 % qu’il baissé, une baisse qui est ressentie par 40 % de Français. 87 % des européens estiment par ailleurs que les prix ont « nettement » ou « plutôt » augmenté pendant les 12 derniers mois, ce qui peut s’expliquer par la montée régulière des dépenses contraintes – logement, santé, abonnements numériques – dans le budget des ménages. L’inflation, qui a fait son retour au second semestre 2021, pourrait faire de l’ombre à des fondamentaux qui restent positifs, avec notamment une prévision de +7,4 de croissance au niveau européen (+ 6,5 % en France) pour 2022.

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