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19.2.2024

[Echangeur BNP Paribas Personal Finance] Quels scenarios pour le commerce a l’horizon 2033 ?

Innovate Service Centric, la conférence chargée de décrypter les tendances actuelles et à venir du commerce mondial de l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance, vient de publier son rapport 2023 sous le titre Commerce. A cake to be shared, qui marque ses dix ans d’existence. Des conséquences de l’inflation à l’impact de l’intelligence artificielle, de la désintermédiation du parcours client au rôle des réseaux sociaux, cette étude très dense met en lumière cinq axes majeurs qui vont impacter le commerce dans les dix années à venir. FRANCOIS SALANNE

A la fin 2023, fidèle à sa mission de décryptage, Innovate Service Centric - la tête chercheuse de l’Échangeur BNP Paribas Personnel Finance - a dévoilé une nouvelle livraison sous le titre Commerce. A cake to be shared (Commerce. Un gâteau à partager)

Les observateurs – et bien sûr les acteurs du marché – ne peuvent que le constater : en dix ans, le commerce et le comportement d’achat des consommateurs ont connu une véritable révolution. L’essor d’internet, et le développement des technologies numériques, ont transformé le web, en offrant à l’espace digital un nombre croissant de fonctionnalités, au point de donner naissance, en parallèle au magasin, à tout un univers « online », où il est possible entre autres de s’informer, d’échanger, d’expérimenter, de s’inspirer, de personnaliser sa demande, et bien sûr d’acheter… Le résultat majeur de cette évolution ? On ne jure plus désormais que par la complémentarité du web et du point de vente, que par la stratégie omnicanale, que par le recueil et la gestion des data, pour favoriser le « web to store » et le parcours client sans couture, dont chacun cherche la formule magique ! Depuis dix ans, Innovate Service Centric, la tête chercheuse de l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance, n’a cessé de scruter à la loupe cette innovation permanente, en rendant chaque année un rapport où elle a consigné les avancées qui lui semblaient les plus marquantes, de la part des marques, à tous les endroits de la planète. A la fin 2023, fidèles à leur mission de décryptage, les auteurs de ces rapports ont dévoilé une nouvelle livraison – sous le titre Commerce. A cake to be shared (Commerce. Un gâteau à partager) - qui célèbre leurs dix ans d’existence, dresse un bilan d’étape du développement du web, et dessine cinq axes majeurs marquant déjà ou devant marquer le commerce dans les dix ans à venir, à l’horizon 2033. Très dense, ce nouveau rapport de 88 pages comporte dans chacun de ses cinq chapitres un grand nombre d’exemples innovants susceptibles d’inspirer toute la distribution, collectés dans le monde entier.

Les réseaux sociaux connaissent une croissance soutenue : ils réunissent aujourd’hui 4,76 milliards d’utilisateurs actifs soit 59 % de la population mondiale contre 24 % en 2013. Le temps qu’on y passe a progressé de cinquante-quatre minutes à deux heures trente et une, ce qui en fera un point de contact clé pour le commerce de demain. © Pikisuperstar / Freepik

Internet : apres la révolution, place aux evolutions

Dans un tel contexte, le rapport pointe que les grands gagnants de ces dix dernières années sont les géants du web. A titre d’exemple, le chiffre d’affaires d’Amazon est passé de 70,2 milliards d’€ en décembre 2013 à 507,6 en juin 2023, soit une multiplication par 7,2 qui place la marque au deuxième rang du commerce mondial. Ces chiffres sous-entendent que les gagnants de demain sont ceux qui tireront le meilleur parti de leur présence en ligne, devenue stratégique pour les marques. Aujourd’hui, on estime que 5,16 milliards d’individus utilisent Internet, soit 68 % de la population mondiale (étude Digital Report 2023 publiée par We Are Social et Meltwater). Pourtant, ce chiffre a connu une croissance de +1,9 % pendant la dernière année, ce qui marque un net ralentissement, comparé à celui des années précédentes. Rappelons-nous qu’en 2013, le taux de croissance était de +10,3 %, pour une pénétration de 35 % ! Pour les auteurs de l’étude, cela signifie que « la courbe de croissance de l’e-commerce s’est infléchie et suit dorénavant celle du commerce physique. Fini le temps des évolutions à deux chiffres. Clairement, notre gâteau du commerce s’est stabilisé, ne grossit plus. Pour faire simple, le commerce a fini de digérer les impacts et la croissance nés de la révolution industrielle de la fin des années 80, début des années 90 : Internet. » C’est ainsi que, depuis un ou deux ans, les évolutions ne sont plus des ruptures, elles répondent au contraire à une optimisation du parcours d’achat, attendue par un acheteur en recherche permanente de temps, d’efficacité, de simplicité. Un exemple ? Le magasin le plus innovant d’Adidas à Berlin propose une expérience client digitalisée dans son rayon chaussures : le visiteur peut utiliser l’application de la marque pour pointer la caméra de son smartphone sur le modèle qu’il souhaite essayer et saisit sa pointure. Une fois sa demande enregistrée, il attend en rayon qu’on lui apporte le modèle en question, sans faire appel à un vendeur qui n’est pas forcément disponible. En résumé, la frontière entre monde physique et monde digital n’existe plus, ils forment désormais un tout inséparable, avec un univers « offline » qui se digitalise de plus en plus, tandis que le « online » lui s’humanise de plus en plus, pour se rapprocher du contact offert par le commerce physique, chaque monde prenant en quelque sorte le meilleur de l’autre.

L’IA générative est notamment capable de générer du langage naturel, ce qui va considérablement enrichir les conversations avec les chatbots, qui vont s’éloigner du modèle du robot pour se rapprocher d’un véritable interlocuteur, pour tendre vers une praticité augmentée plus qu’un dialogue augmenté… © Freepik

Retour sur terre… et a la rentabilite

Anticiper les évolutions à venir du commerce ne peut se faire sans prendre en compte un élément majeur survenu depuis la fin de la pandémie : la crise économique. Si la pandémie de la Covid-19 avait désorganisé les circuits logistiques mondiaux, la guerre en Ukraine a provoqué le retour de l’inflation et avec elle une crise durable du pouvoir d’achat. En deux ans, les prix de l’énergie ont progressé de +33 % dans la zone euro alors que ceux des produits alimentaires enregistraient une évolution de +21 %. Dans un tel contexte, le consommateur devient très regardant sur les prix, une tendance que nombre d’études récentes ont mis en évidence, qui pèse directement sur l’activité des marques et enseignes, en particulier de l’équipement de la maison, puisque ce marché avait connu un boom sans précédent suite aux différents confinements. Un retournement du marché qui remet au goût du jour un basique du commerce : l’impératif de rentabilité. Parmi ses conséquences, il y a la fin de l’argent gratuit : il est devenu très difficile de lever des fonds pour financer une activité structurellement déficitaire au départ – comme c’est le cas de beaucoup de start up - dans l’attente de bénéfices devenus plus hypothétiques. « Après avoir souhaité conquérir le monde, les acteurs se recentrent tous sur leur marché d’origine, à la recherche d’un modèle économique rentable », résument les auteurs de l’étude.

Cette recherche de la rentabilité provoque des changements de modèles économiques, comme le montre par exemple le virage pris par la plateforme de streaming Netflix, qui a mis fin au partage de comptes en mai dernier : les abonnés qui veulent partager leur compte avec une personne en dehors de leur foyer doivent désormais débourser 5,99 € par mois.

Les enseignes misent sur les promotions et même le low cost, à l’image de Carrefour, qui a mis en place un bouton anti-inflation : sur le site Internet de l’enseigne, le client peut cliquer sur le bouton « trouver moins cher », ce qui lui donne accès à un choix d’articles équivalents à ceux sélectionnés, vendus moins chers. Autres stratégies, certaines marques, notamment dans l’habillement, misent sur la précommande : les marques françaises Asphalte ou Forlife proposent à leur client de précommander leur achat sur leur site Internet et attendent que le nombre minimal de pièces soit atteint pour lancer la production. Le client attendra trois semaines au maximum pour être livré, mais bénéficiera d’un meilleur rapport qualité-prix, grâce à la juste quantité produite, en circuit court, toutes les usines partenaires étant implantées en Europe.

Intelligence artificielle : une ere nouvelle ?

Cette livraison 2023 ne pouvait faire l’économie de la plus grosse innovation technologique de l’année – le plus gros « buzzword » de 2023 : l’intelligence artificielle générative. Il s’agit d’un phénomène planétaire, puisqu’il n’a fallu que deux mois à ChatGPT pour atteindre les 100 millions d’utilisateurs ! Cette innovation majeure, qui crée de l’inquiétude puisqu’elle menace d’ores et déjà de remplacer de nombreux métiers « automatisables », pourrait à son tour révolutionner le commerce, en ouvrant la voie à l’ère de l’individualisation de l’offre, qui ferait coïncider le produit proposé exactement avec les attentes du client. « Si l’IA prédictive permet d’analyser les transactions passées pour anticiper les comportements futurs, l’IA générative permet de créer une offre personnalisée à envoyer au consommateur », affirment les auteurs d’Innovate Service Centric. A titre d’exemple, la marque de jeans Levi’s l’utilise déjà pour créer sur ses sites des mannequins correspondant aux mensurations réelles de la population, tenant compte des évolutions sociétales, de toutes les couleurs et de toutes les origines, ce qui permet aux clients de mieux s’identifier, et à la marque de promouvoir des valeurs d’inclusion et par la même occasion de séduire plus de clients et d’augmenter son chiffre d’affaires. « A chaque consommateur son offre, tant sur la forme que sur le fond. Tout au long de son parcours d’achat, l’intelligence artificielle fluidifie et personnalise son expérience », ajoute l’étude.

L’IA générative est aussi capable de générer du langage naturel, ce qui va considérablement enrichir les conversations avec les chatbots, qui vont s’éloigner du modèle du robot pour se rapprocher d’un véritable interlocuteur, pour tendre vers une praticité augmentée plus qu’un dialogue augmenté. C’est ce que fait Carrefour avec Hopla, un chatbot « intelligent » avec lequel il suffit de démarrer la conversation, en lui disant par exemple « Merci de me préparer une liste de courses pour la semaine pour un budget de 100 € maximum et pour une famille de cinq personnes. » Le chatbot propose illico une réponse avec les produits adéquats, ainsi qu’une recette pour chaque jour de la semaine ! Une vague d’innovations va déferler dans les prochaines années avec, pour conséquence et comme ce fut le cas avec Internet, de faire grossir le gâteau, mais comme toujours ce sont les primo-arrivants, ceux qui se lancent dès aujourd’hui, qui récolteront les plus grosses parts. En résumé, « Internet a créé une quantité astronomique de données. L’intelligence artificielle va leur donner du sens en anticipant toujours plus les besoins du consommateur. On entre dans l’ère de l’individualisation de masse de la relation client. »

Pour les marques et les enseignes, la conséquence majeure de ces bouleversements qui sont en cours et vont s’accélérer est la nécessité de s’adapter et d’aller vers de nouveaux modèles… Ici, le «magasin du futur » imaginé par la SAGAM pour son enseigne gm (Géant du Meuble), visible à Choisey dans le Jura : mises en ambiance ultra-abouties, modularité accrue pour être au plus près des tendances et parcours expérientiel inédit sont des piliers de ce concept visionnaire.

Vers une desintermediation de la relation client

Autre scénario possible pour le commerce à l’horizon 2033, Innovate Service Centric anticipe une désintermédiation de la relation, autrement dit la disparition de certains intermédiaires qui interviennent actuellement dans la transaction. Selon ses auteurs, l’intelligence artificielle se diffuse dans tous les points de la relation client, qu’ils soient historiques comme le magasin, le site Internet, l’application ou nouveaux tels les réseaux sociaux, les plateformes de streaming et les assistants vocaux numériques. Il se trouve que ces plateformes - Amazon Prime, Netflix, Roku ou encore Disney - évoluent progressivement pour devenir des sites marchands, ce que sont déjà devenus les réseaux sociaux, qui connaissent une croissance soutenue : ils réunissent aujourd’hui 4,76 milliards d’utilisateurs actifs soit 59 % de la population mondiale contre 24 % en 2013 ! En outre, le temps qu’on y passe a progressé de cinquante-quatre minutes à deux heures trente et une, ce qui en fera un point de contact clé pour le commerce de demain. Si Facebook reste le premier réseau social mondial en termes d’audience, c’est TikTok qui fait preuve du plus d’audace aujourd’hui. Si on en croit ce schéma, les acteurs du commerce vont rapidement voir débouler de nouveaux concurrents - à commencer par les plateformes d’audience que sont les réseaux sociaux – qui auront tous un but commun : répondre proactivement aux besoins non exprimés du client et ce de façon parfaitement personnalisée, grâce à l’intelligence artificielle, et conquérir ainsi des parts de marché. Le temps des segmentations marketing est en passe d’être remplacé par celui de l’individualisation de masse. « Pour les marques, les enjeux sont considérables. Les réseaux sociaux, les nouveaux points de contact ou les débuts encourageants du Web3 (Blockchain, NFT, Metavers…) risquent de briser le lien unique qu’elles ont mis des années à construire avec leurs clients. Pour réussir à prendre ces virages tout en restant maîtres de cette relation, la confiance doit être de mise : fédérer une audience autour d’une marque unique, incomparable et incomparée, tout en anticipant les impacts de la crise écologique, environnementale et sociétale à venir » estime Elisabeth Menant, Analyste Tendances Innovation et Services chez l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance.

Le premier DPD Store ouvert à Berlin permet, outre l’aspect logistique (redistribution et envoi de colis) de proposer plusieurs prestations au client venant retirer lui-même ses paquets : un espace est mis à sa disposition pour qu’il les ouvre sur place, et vérifie si ses achats lui conviennent ou non ; pour les vêtements, deux cabines d’essayage sont ainsi proposées... Ainsi, les colis peuvent immédiatement être renvoyés si besoin ; s’ils conviennent, en revanche, les emballages peuvent être laissés dans le « store », pour être ensuite réutilisés par d’autres clients ! (Source : DPD)

Faire evoluer son modele economique

Pour les marques et les enseignes, la conséquence majeure de ces bouleversements qui sont en cours et vont s’accélérer est la nécessité de s’adapter et d’aller vers de nouveaux modèles. L’équation à résoudre se complexifie : comment préserver ses marges, alors qu’acheter ou produire sur les autres continents devient de plus en plus cher, et que les prix sur les marchés européens sont toujours tirés vers le bas ? La dégradation du contexte géopolitique, la menace sur le trafic maritime international, ne sont pas pour arranger les choses. Dans ce contexte, les vieilles recettes peuvent être remises au goût du jour avec profit, comme le modèle de l’abonnement : pour une somme modique mensuelle, les clients peuvent avoir accès à des réductions, à des ventes flash, et être invités à des événements dédiés, l’objectif de ces formules étant de créer et d’animer une communauté de clients fidèles et ambassadeurs de la marque. Une proposition de valeur qui repose sur un maître mot : la confiance. La gamification – le fait de rendre ludique certaines pratiques jugées ennuyeuses – est une autre voie possible pour inciter à changer les comportements en les valorisant et en récompensant les consommateurs. Parmi de nombreux exemples, on peut citer une initiative innovante à Shanghai : les personnes qui choisissent un mode de transport écologiquement responsable comme le métro ou le bus sont récompensées par des « crédits verts », sous la forme de points qui, à chaque déplacement, alimentent leur compte sur l’application de mobilité de la ville, ces crédits pouvant ensuite être échangés contre des cadeaux. « C’est en accompagnant au quotidien l’acheteur que les marques et enseignes résisteront aux mutations en cours. S’engager, accompagner les changements de société, lutter contre les bouleversements écologiques sont autant d’actes concrets pour construire une relation durable et rentable avec le client. Avec l’Intelligence Artificielle, nous entrons dans l’ère de l’individualisation de masse de la relation client. » conclut Matthieu Jolly, Responsable Innovation et Services chez l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance.

Un exemple du « online » qui s’humanise : lors du salon VivaTech Paris 2023, la maison Dior a présenté, sur le stand LVMH, sa solution ; depuis son ordinateur ou son smartphone, le client contacte un conseiller à distance afin d’obtenir une réponse immédiate et précise à sa question (source : Dior)

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A propos de L’Echangeur BNP Paribas Personal Finance

L’Echangeur BNP Paribas Personal Finance est le centre d'innovation technologique et marketing appliquée au commerce de détail, qui décrypte pour les grands acteurs de la distribution et de l’e-commerce les nouveaux usages des consommateurs et les accompagne dans la conception de leurs stratégies de développement. L’accompagnement de l’Echangeur est fondé sur l’alliance d’expertises et d’outils marketing, data, new tech, innovation. Depuis plus de 25 ans, les entreprises du CAC 40, les enseignes de la Distribution et les grandes marques font confiance à l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance.

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