Claude Liault, l’homme qui a su «rendre à la profession tout le bonheur qu’elle lui a apporté »
Nous rendons ici hommage au créateur des meubles Célio, père d’Alain et grand-père de Thomas, décédé le 13 mars.
« Il était très exigeant, rigoureux, et il fallait que le travail soit bien fait. C’était particulièrement, à l’époque, de très grandes valeurs ». Alain Liault raconte un homme avant tout « travailleur » lorsqu’il évoque son père, Claude, dont nous avons appris la disparition, le 13 mars, à l’âge de 93 ans. Travailleur, exigeant avec lui-même et les autres, mais également profondément humain, et sachant accorder sa confiance de manière irrévocable…
L’entreprise familiale, dirigée aujourd’hui par Alain – et dans laquelle Thomas, fils d’Alain et petit-fils de Claude, occupe un rôle croissant – demeure l’un des principaux fabricants de meubles de l’Hexagone. Que de chemin parcouru depuis l’atelier de menuiserie de La-Chapelle-Saint-Laurent repris par Claude Liault, en 1952, au retour de son service militaire… Portes, fenêtres, rangements et cercueils sont fabriqués par la petite entreprise, dont le « premier salarié » ne fut autre que Micheline, épouse de Claude. L’équipe s’étoffe un peu, et au début des années 60, un distributeur de meubles des environs sollicite la menuiserie pour lui fabriquer de petites armoires penderies ; Claude Liault se lance alors dans la production de cinq, dix, quinze modèles… prenant goût à la fabrication en série ! Ayant obtenu l’accord du négociant de vendre lui-même ces mêmes armoires ailleurs, il diversifie sa production en série : de son atelier sortent des salles à manger en vernis polyester, avec trois premiers modèles baptisés « Aline » (féminin d’ « Alain »), « Anne » et « Françoise », reprenant les noms des enfants du couple. Un représentant est recruté en région parisienne. Les meubles, à l’origine, sont signés « Lio », puis « Liault », avant de devenir « Célio » en 1970. La France est peu à peu maillée avec l’arrivée d’autres représentants, tandis que la gamme s’élargit considérablement, proposant en plus chambres et séjours de tous styles… et finit par devenir, au fil des années, l’entreprise que l’on connaît, avec les arrivées, entre-temps, d’Alain, puis de Thomas, et les différents virages adoptés.
Dévoué à la profession… et aux autres
Tout au long de sa carrière, Claude Liault aura marqué les personnes ayant croisé son chemin par son goût de l’effort, sa grande exigence – à la fois avec lui-même et ses collaborateurs -, mais aussi par sa grande humanité et son dévouement à de multiples causes, y compris dans la sphère privée. « Etant lui-même très travailleur, il fallait que ses collaborateurs le soient, se souvient son fils. Il pouvait sérieusement réprimander les gars de l’atelier s’ils étaient en train de discuter au lieu d’être sur leurs machines… Mais il était à la fois très proche d’eux, et les connaissait tous ». Nous évoquons ici ces mêmes salariés qui, une fois à la retraite, avaient été embarqués par Claude, pour quelques-uns d’entre eux, afin d’aller retaper le lieu d’hébergement d’une colonie de vacances dont il était administrateur, et qui ont sué sang et eau une semaine durant, contraints de passer toutes leurs nuits sur place dans des lits pour enfants… « Ils étaient usés au bout de ces quelques jours – disant qu’ils n’avaient jamais autant travaillé de leur vie ! – mais tellement heureux » raconte, avec amusement, l’actuel président des meubles Célio. Alain Grellier, qui réalisa toute sa carrière professionnelle au sein de l’entreprise du côté commercial, salue lui aussi les traits de caractère de celui qui fut son patron durant de nombreuses années : « Claude Liault était quelqu’un de très entier, très déterminé. Il savait ce qu’il voulait, avait des objectifs très clairs pour lui et ses collaborateurs… tout en étant très humain et ouvert aux autres, et profondément attachant. C’était un amoureux fou de son travail et des choses bien faites ». Si l’homme a consacré une très grande partie de sa vie à son entreprise, il a, en parallèle, fait profiter de son expérience au monde du meuble : « Il a obtenu beaucoup de son métier par ses compétences et qualités, et a su rendre à la profession tout le bonheur qu’elle a pu lui apporter » résume finement Henri Griffon, saluant les relations très « confraternelles » qu’il a pu entretenir avec le fondateur de Célio, auquel il avait d’ailleurs remis l’Ordre du Mérite en 2001. Claude Liault, en effet, était l’une de ces grandes figures du secteur ayant marqué son époque non seulement par son statut de grand industriel, mais également par les nombreuses fonctions administratives qu’il a pu occuper, à la fois dans le meuble – à la vice-présidence puis à la présidence de l’Unifa Ouest, au conseil d’administration de l’Unifa… – et à l’échelle de sa région, ce qui lui a évidemment permis de porter haut les couleurs de la profession. « J’ai connu Claude il y a plus de trente ans, lorsque je suis arrivé à l’Afpia Ouest, se souvient Alain Lefebvre, ancien DG de l’entité. Dès le début, il s’est montré simple, très abordable, franc, loyal… Lorsqu’il faisait confiance à quelqu’un, c’était pour toujours ». Pour preuve, lors de la prise d’indépendance de l’Afpia sur son territoire – le pôle de Montaigu devient alors l’Afpia SolFi2A – Claude Liault, qui est le premier à en assumer la présidence, remet entre les mains d’Alain Lefebvre la construction de la structure, et cette relation de confiance mutuelle et fructueuse a ensuite perduré : « Nous devons énormément à des hommes comme Claude, car ce sont grâce à eux que nous avons pu construire l’Afpia telle qu’elle est aujourd’hui, et telle qu’elle le sera demain. Ce sont eux qui, à un moment donné, ont su faire confiance à leurs collaborateurs, et leur ont dit : « Allez-y, on fonce ». Et de terminer : « Claude Liault est quelqu’un que j’ai toujours estimé et respecté, comme il pouvait l’être par ses autres confrères de l’industrie du meuble ».
Une réussite de couple
Dans cette belle histoire, une personne tient un rôle majeur : celle qui fut, comme évoqué plus haut, le « premier salarié » de Claude, à savoir son épouse, Micheline. « C’est une réussite de couple, souligne Henri Griffon. On ne peut pas dissocier la femme et l’homme. Claude Liault était rigoureux, strict, pas forcément facile à convaincre, mais il savait écouter les autres à des moments cruciaux. Et en cela, son épouse a eu beaucoup d’importance et une influence majeure dans le développement de l’entreprise ». Les deux époux ont travaillé ensemble, toute leur vie, que ce soit dans l’atelier, à la livraison, à l’accueil, aux tournées… Et l’ambiance familiale qui s’est rapidement instaurée aux débuts de l’entreprise est d’ailleurs due, en grande partie, à Micheline qui, les premières années, recevait chaque jour les salariés de l’entreprise – jusqu’à dix personnes ! – sous son toit pour le déjeuner. « La rigueur – et parfois la « rudesse » de notre père – était équilibrée par la chaleur de notre mère, s’amuse encore Alain Liault. Chacun se souvient de la voix agréable et accueillante de maman, de son sourire… C’est quelqu’un qui va « toujours bien », et cela est encore le cas aujourd’hui ! »
3 générations
Enfin, l’un des piliers fondamentaux sur lequel repose cette belle histoire est la réussite de la transmission, tellement précieuse dans ces « sagas » d’entreprises familiales : Alain entre chez Célio en 1982, et rachète l’entreprise en 1990. Entre-temps, il prend un grand virage en se lançant dans le rangement… « Papa n’y croyait absolument pas, mais il m’a laissé faire » raconte-t-il ; encore une preuve que l’homme savait accorder sa confiance ! « Le développement de l’activité l’a évidemment convaincu ensuite ». Père et fils ont travaillé ensemble jusqu’en 1995 ; après cette date, Claude Liault a, malgré tout, toujours conservé un bureau au sein de l’entreprise… ce qui donne à Alain l’occasion de raconter une très belle anecdote, riche de sens : « Il y a trois ans, j’avais des difficultés pour trouver de nouveaux bureaux. On ne savait pas, notamment, où pouvait s’installer Thomas ; mon père ne travaillant plus dans le sien, à l’époque, j’ai suggéré à mon fils de lui demander s’il pouvait l’occuper à sa place… ce qui a été accepté avec enthousiasme ! Aujourd’hui, mon fils Thomas [actuellement responsable produits et innovations, ndlr] occupe le bureau de son grand-père, où il n’a rien changé. Il y a eu, en quelque sorte, passation de pouvoir et de bureau, cela est très symbolique ». Il se murmure d’ailleurs que le fondateur des meubles Célio a su également transmettre ses principales qualités – l’exigence, l’écoute des autres, la fiabilité – à sa descendance. De quoi assurer une certaine continuité qui, assurément, sera porteuse pour l’entreprise !