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Certains managers ont fait le choix de revenir à une formule 100 % en présentiel, avec pour argument que celle-ci assure une meilleure cohésion et dynamique des équipes ; ils rencontrent, toutefois, des difficultés à la mettre en application, faute de places dans les locaux… © drobotdean - Freepik
Actineo : cinq ans apres la pandemie, le travail au bureau sur la sellette
Réalisé à l’initiative de l’Ameublement français, en partenariat avec l’agence d’architecture d’intérieur Saguez & Partners, le onzième Baromètre Actineo qui mesure la qualité de la vie au travail a pour titre « Comment réinventer le bureau à l’ère du télétravail ? » Après un état des lieux qui montre que ledit télétravail est désormais bien ancré dans les habitudes des actifs, les auteurs ont décrypté l’évolution des liens entre les salariés et les espaces tertiaires en entreprise… avant de proposer des solutions pour redonner toute son attractivité à la vie au bureau, répondant au souhait croissant des managers de voir revenir, au moins partiellement, les salariés travailler en présentiel. FRANCOIS SALANNE
Depuis la pandémie du Covid-19, qui a débuté depuis tout juste cinq ans, il est peu de dire que le travail au bureau a changé… Les habitudes, le rapport au travail, sa place dans la vie de tous les jours ont été bouleversés. Toujours très attendu, le baromètre Actineo de la qualité de vie au bureau, avec ici son édition 2025, apporte un éclairage d’autant plus intéressant qu’il bénéficie, aujourd’hui, du recul nécessaire pour tirer les premiers enseignements de cette crise, ce qui permet de donner aux responsables ressources humaines, managers et décideurs du monde tertiaire en général, des orientations stratégiques pour la conception et l’équipement des espaces de travail*.

Le teletravail, un acquis pour les salaries
Le premier élément mis en lumière par l’étude est que le télétravail est aujourd’hui bien entré dans les moeurs. En effet 56 % des salariés interrogés déclarent qu’ils travaillent au moins une fois par mois en dehors de leur lieu de travail, dans d’autres établissements que leur entreprise (pour 36 % d’entre eux), dans un café ou restaurant (28 %) ou encore dans un centre de coworking (27 %). Au-delà, on peut dire que le télétravail est devenu la norme, puisque 47 % des salariés télétravaillent régulièrement ou occasionnellement, parmi lesquels 55 % des Millenials et 68 % de la GenZ. De plus, 28 % des salariés déclarent qu’ils télétravaillent toutes les semaines, tandis qu’une forme de frustration apparaît chez les salariés n’ayant pas accès au télétravail. Une mutation profonde qui a un prix à payer : l’accumulation des réunions en « visio ». Non seulement les conférences qui mélangent les participants à distance et en présentiel sont plus difficiles à gérer, mais pour compenser l’éloignement, elles s’enchaînent, parfois sans interruption, à un rythme soutenu, ce qui bouleverse la journée de travail. Dans ce contexte, le Baromètre fait un premier constat important : le télétravail est devenu une « Zone à défendre » pour les actifs. En effet, 49 % des travailleurs actuels se déclarent prêts à démissionner si on leur retirait la possibilité de télétravailler. En complément, 80 % des télétravailleurs actuels ou potentiels font de la possibilité de télétravailler un critère pour choisir leur prochain poste.
Les managers font de la resistance
Le travail à distance apparaît comme ambivalent : 77 % des sondés déclarent qu’ils travaillent plus efficacement en télétravail, car ils peuvent mieux se concentrer, mais 57 % disent qu’il est plus compliqué dans ce cas de figure de télétravailler en équipe. Ce qui ne remet pas en cause l’adhésion globale au travail à distance : 28 % seulement des actifs avouent – dans les entreprises où il est pratiqué – que le télétravail rend le fonctionnement collectif plus compliqué. Quel est, dans ce contexte, la position des managers ? « Pour les encadrants, le télétravail complique la donne, puisque 70 % d’entre eux estiment qu’il rend plus compliqué de travailler en équipe, affirment les auteurs de l’étude. Ils pointent du doigt notamment la difficulté de former et d’intégrer à distance les nouveaux recrutés, et de leur transmettre la culture d’entreprise. De façon générale, ils ont semble-t-il un manque de confiance vis-à-vis des salariés, qu’ils ne peuvent pas encadrer aussi bien à distance ; un problème qui ne se pose pas dans les pays anglo-saxons. » En conséquence, ont voit monter un discours « anti-télétravail » du côté des employeurs : certains d’entre eux ont fait le choix de revenir à une formule 100 % en présentiel, avec pour argument que celle-ci assure une meilleure cohésion et dynamique des équipes, comme c’est le cas notamment des géants américains de la « tech » ; ils rencontrent, toutefois, des difficultés à mettre le 100 % présentiel en application, faute de places dans les locaux, comme chez Amazon par exemple. Sur la question de la réduction du télétravail, les avis sont assez partagés : dans les entreprises qui le pratiquent déjà, 40 % envisagent de le réduire (dont 13 % sont pour un retour au présentiel intégral), tandis que 40 % ne le prévoient pas.
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Un desir de flexibilite
En allant plus loin dans la perception du travail par les salariés d’aujourd’hui, le Baromètre met en évidence l’importance de plus en plus relative qui est accordée au travail. En effet, d’un côté l’impact du travail – pour rencontrer des gens, apprendre des choses… - reste positif pour 76 % des actifs, mais d’un autre côté, 65 % d’entre eux se déclarent prêts à faire passer leur travail après leur vie privée. Si 71 % d’entre eux sont d’accord avec l’idée « d’appartenir » à leur entreprise, et si 62 % se sentent reconnus par cette dernière, ils sont aussi 40 % à avoir le sentiment que leur travail manque de sens. D’où la mise en place de stratégies de repli sur soi, et leur implication parfois faible dans la marche de l’entreprise : ils sont 43 % à « faire ce qu’il y a à faire, sans plus », ce qui est encore plus accentué chez les jeunes générations… Une tendance qui préoccupe le monde du travail.
Si leur motivation laisse parfois à désirer, qu’est-ce qui peut motiver les salariés du tertiaire aujourd’hui ? Au premier rang de leurs attentes, on trouve la flexibilité : 36 % d’entre eux voudraient pouvoir choisir plus librement leurs horaires de travail, leurs jours de travail (27 %), et les jours où ils sont au bureau ou en télétravail (24 %). D’autre part, ils sont 36 % à plébisciter la semaine de quatre jours en gardant le même temps de travail, et même 25 % à accepter l’idée de travailler moins, quitte à gagner moins. Cette aspiration à la flexibilité et à la liberté est une motivation pour 70 % des actifs, derrière la reconnaissance (salariale et humaine, 73 %), mais devant les évolutions de carrière (50 %), et les avantages comme la mutuelle, l’épargne salariale, les services (47 %).
Conséquence de ce qui précède : les salariés sont 53 % à ne plus avoir envie du tout de revenir au bureau, et même 71 % parmi ceux qui ne sont pas du tout satisfaits de l’espace de travail que leur propose l’entreprise, ce qui pose la question cruciale de savoir comment relancer l’attractivité des espaces tertiaires. Pour enfoncer le clou, 60 % des personnes interrogées déclarent qu’elles ont à domicile un poste de travail plus confortable et mieux équipé qu’au bureau ! Plus en détail, 76 % des télétravailleurs disposent d’un espace permanent dédié au télétravail, dont 42 % ont une pièce dédiée (+ 7 % par rapport à 2023), et 34 % ont aménagé un espace dans une pièce ayant une autre fonction (+ 11 % par rapport à 2023). A contrario, seuls 16 % s’installent provisoirement pour travailler dans une pièce ayant un autre usage (- 9 % par rapport à 2023), et 8 % n’ont pas d’espace dédié et s’installent de façon variable selon les circonstances (- 9 % par rapport à 2023). Ajoutons que cette migration vers le bureau à domicile permet aussi d’échapper au stress de la vie de bureau : en premier lieu, les personnes sondées évoquent le fait de subir la conversation soit au téléphone, soit en visio, du collègue du bureau d’à côté, ce qui n’est plus toléré aujourd’hui.

Le bureau au coeur des enjeux
Comme antidote à l’essor du télétravail - qui est globalement bien vécu par les salariés, mais pose un certain nombre de problèmes aux employeurs - le Baromètre invite ces derniers à repenser l’écosystème tertiaire, en mélangeant espaces et services. Tout n’est pas perdu en effet, car une écrasante majorité (82 %) des télétravailleurs se disent contents de retrouver leurs collègues quand ils viennent au bureau. Encore faut-il, comme le sous-entendent les auteurs du Baromètre, proposer des espaces qui correspondent aux aspirations des salariés, ce qui nous mène au cœur de l’expertise d’Actineo, dont la raison d’être est l’amélioration de la qualité de vie au bureau. Réussir son environnement de travail aujourd’hui, c’est répondre à un triple enjeu : celui des R.H., qui passe notamment par la santé et le bien-être physique (pour 43 % des sondés), la santé et le bien-être psychologique (41 %), ou encore le sentiment d’être respecté par l’employeur (38 %) ; l’enjeu managérial, ensuite, qui se traduit notamment par la qualité des relations avec le manager (35 %), la motivation et l’engagement professionnel (35 %), et l’efficacité et la performance personnelle (35 %) ; et enfin l’enjeu de vie collective, correspondant au plaisir de venir au bureau (39 %), à la qualité des relations entre collègues (38 %), et à la fierté d’appartenir à l’entreprise (28 %). Or, comme le souligne l’étude, la qualité de l’environnement physique des bureaux a un impact direct sur le bonheur au travail : 93 % de ceux qui sont satisfaits de leurs locaux sont satisfaits de leur qualité de vie au bureau, et ce sentiment renforce l’appartenance à l’entreprise pour 87 % d’entre eux.
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Un bureau a reinventer
Qu’est-ce que les salariés jugent aujourd’hui indispensable d’avoir au bureau ? Pour la concentration, ils veulent des bureaux fermés disponibles quand le titulaire n’est pas là (44 %), et des bulles de confidentialité afin de pouvoir s’isoler (25 %). Pour la convivialité, ils souhaitent un espace café et thé (39 %), et une cuisine pour réchauffer leur repas (31 %). Pour la collaboration, ils évoquent des salles de réunion en libre accès (32 %), et des petites salles sur réservation permettant d’y travailler à deux ou trois. Au-delà de ce « contrat de base » qui répond aux besoins essentiels, les employeurs ont tout intérêt à créer de la différenciation, en proposant des espaces informels de pause, ou des zones de repos, voire des salles de sport ou espaces de créativité… La tendance est également très forte en faveur des espaces extérieurs : 49 % des actifs souhaitent un espace « nature » essentiel pour avoir envie de revenir au bureau, que ce soit pour y travailler à la belle saison ou y prendre une pause. Enfin, l’attractivité retrouvée du bureau passe peut-être, aujourd’hui, par le fait de proposer des services, qui n’existaient pas auparavant, et qui sont de nature à faciliter le quotidien qui s’apparente souvent à une course de fond. Ainsi, le fait d’avoir un pressing au bureau, un service de lavage pour sa voiture, ou une garderie pour son animal de compagnie, ou encore de se voir proposer des services à la personne - voire un panier de fruits et légumes de type AMAP - peut aujourd’hui séduire des salariés, et améliorer leur plaisir à se rendre au bureau.

Il s’agit d’un véritable défi pour les employeurs car, comme l’a montré en conclusion Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et Stratégie d’Entreprise du groupe IFOP, nous assistons depuis ces 35 dernières années à un recul de l’importance du travail dans la vie de tout un chacun. « L’ordre de ce qui est important dans la vie n’a pas changé, a-t-il expliqué, puisque c’est toujours la famille qui arrive en tête : elle était très importante pour 81 % des sondés en 1990, et elle l’est toujours pour 74 % d’entre eux aujourd’hui. Mais le travail, qui arrivait en deuxième position, en étant très important pour 60 % des sondés en 1990, ne l’est plus aujourd’hui que pour 24 %. C’est une chute vertigineuse de 36 %, qui montre qu’il a perdu sa place centrale dans la vie. » Dans le même intervalle, les amis et relations ont gagné 6 % (ils sont très importants pour 46 % des sondés versus 40 % en 1990), et les loisirs ont pris 8 % (ils sont très importants pour 39 %, au lieu de 31 % en 1990). Décidément oui, il va falloir agir pour que les espaces tertiaires redeviennent désirables, et pour que le travail retrouve tout son sens à l’avenir.
*L’enquête 2025 du Baromètre Actineo a été pilotée par le cabinet Sociovision du groupe IFOP. Représentative selon la méthode des quotas, elle a été administrée auprès de 1 500 actifs travaillant au bureau.
